4.5. La tutelle

I. Les modalités d’ouverture d’une mesure de tutelle

Les informations ci-après figurent sous la forme d’un tableau dans la version pdf de la présente fiche.
 

Demandeur

  • La personne qu'il y a lieu de protéger
  • Selon le cas, le conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux
  • Un parent
  • Un allié
  • Une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables
  • La personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique
  • Le procureur de la République (soit d’office, soit à la demande d’un tiers)

Destinataire

  • Juge des tutelles

Condition(s) à vérifier

  • Besoin que la personne âgée soit
  • représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile
  • La cause de ce besoin doit résulter d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté
  • Une mesure prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante

Contenu de la demande (éléments impératifs)

Demande formulée par le procureur de la République saisi par une personne autre qu’un membre de l’entourage de la personne à protéger
  • Le certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République
  • L'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection au regard de l’article 428 du code civil (cf. colonne « conditions à vérifier »)
  • Les informations dont cette personne dispose sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger et l’évaluation de son autonomie ainsi que, le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle. La nature et les modalités de recueil des informations sont définies par voie réglementaire. Le procureur de la République peut solliciter du tiers qui l’a saisi des informations complémentaires
Autres demandeurs
  • Le certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République
  • L'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection au regard de l’article 428 du code civil (cf. colonne « conditions à vérifier »)

A. Les conditions à vérifier

Motifs justifiant l’ouverture d’une tutelle. « La personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425 [altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté], doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle » (article 440 alinéa 3 du code civil).

La tutelle est subsidiaire à la sauvegarde de justice et à la curatelle. La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante » (article 440 alinéa 4 du code civil).

B. L’auteur de la demande

Texte de référence. « La demande d'ouverture de la mesure peut être présentée au juge par la personne qu'il y a lieu de protéger ou, selon le cas, par son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, ou par un parent ou un allié, une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique.

Elle peut être également présentée par le procureur de la République soit d'office, soit à la demande d'un tiers » (article 430 du code civil).

La suppression de la possibilité pour le juge de se saisir d’office. La réforme du 5 mars 2007 supprime la possibilité ouverte jusqu’alors au profit du juge des tutelles de se saisir d’office. Cette initiative vise à répondre au fait que cette possibilité a pu être jugée contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), le juge pouvant se saisir de la situation d’une personne, instruire le dossier puis rendre la décision, en étant seul à chacun de ces stades de la procédure. Cette possibilité a été jugée comme susceptible d’aller à l’encontre de la conception traditionnelle du « juge-arbitre ».

La requête présentée par le procureur de la République « à la demande d’un tiers ». Le procureur de la République peut être saisi par tout professionnel : par exemple un médecin, un infirmier, un assistant de service social ou un gestionnaire de cas qui constaterait la nécessité d’ouverture d’une telle mesure de protection (cf. annexe 1 de la présente fiche).

C. La personne pouvant être désignée en qualité de tuteur

Une désignation par le juge des tutelles. « Le curateur ou le tuteur est désigné par le juge » (article 447 alinéa 1er du code civil).

Possibilité d’une pluralité de tuteurs. « [Le juge des tutelles] peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation.

Le juge peut diviser la mesure de protection entre un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur chargé de la gestion patrimoniale. Il peut confier la gestion de certains biens à un curateur ou à un tuteur adjoint.

A moins que le juge en ait décidé autrement, les personnes désignées en application de l'alinéa précédent sont indépendantes et ne sont pas responsables l'une envers l'autre. Elles s'informent toutefois des décisions qu'elles prennent » (article 447 du code civil).

Priorité d’une ou plusieurs personnes désignées par avance par la personne à protéger. « La désignation par une personne d'une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle s'impose au juge, sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l'impossibilité de l'exercer ou si l'intérêt de la personne protégée commande de l'écarter. En cas de difficulté, le juge statue » (article 448 du code civil).

Ordre de priorité s’imposant au juge des tutelles. « A défaut de désignation faite en application de l'article 448 [désignation par avance par la personne à protéger], le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure.

A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables.

Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage » (article 449 du code civil).

Désignation à titre subsidiaire d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. « Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles. Ce mandataire ne peut refuser d'accomplir les actes urgents que commande l'intérêt de la personne protégée, notamment les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine » (article 450 du code civil).

Distinction entre le tuteur et le subrogé tuteur.

Fonctions. « A peine d'engager sa responsabilité à l'égard de la personne protégée, le subrogé curateur ou le subrogé tuteur surveille les actes passés par le curateur ou par le tuteur en cette qualité et informe sans délai le juge s'il constate des fautes dans l'exercice de sa mission.

Le subrogé curateur ou le subrogé tuteur assiste ou représente, selon le cas, la personne protégée lorsque les intérêts de celle-ci sont en opposition avec ceux du curateur ou du tuteur ou lorsque l'un ou l'autre ne peut lui apporter son assistance ou agir pour son compte en raison des limitations de sa mission.

Il est informé et consulté par le curateur ou le tuteur avant tout acte grave accompli par celui-ci.

La charge du subrogé curateur ou du subrogé tuteur cesse en même temps que celle du curateur ou du tuteur. Le subrogé curateur ou le subrogé tuteur est toutefois tenu de provoquer le remplacement du curateur ou du tuteur en cas de cessation des fonctions de celui-ci sous peine d'engager sa responsabilité à l'égard de la personne protégée » (article 454 du code civil).

Personne pouvant être désignée subrogé tuteur. « Le juge peut, s'il l'estime nécessaire et sous réserve des pouvoirs du conseil de famille s'il a été constitué, désigner un subrogé curateur ou un subrogé tuteur.

Si le curateur ou le tuteur est parent ou allié de la personne protégée dans une branche, le subrogé curateur ou le subrogé tuteur est choisi, dans la mesure du possible, dans l'autre branche.

Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer les fonctions de subrogé curateur ou de subrogé tuteur, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles peut être désigné » (article 454 du code civil).

Distinction entre le tuteur et le tuteur ad hoc. « En l'absence de subrogé curateur ou de subrogé tuteur, le curateur ou le tuteur dont les intérêts sont, à l'occasion d'un acte ou d'une série d'actes, en opposition avec ceux de la personne protégée ou qui ne peut lui apporter son assistance ou agir pour son compte en raison des limitations de sa mission fait nommer par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué un curateur ou un tuteur ad hoc.

Cette nomination peut également être faite à la demande du procureur de la République, de tout intéressé ou d'office » (article 455 du code civil).

D. La procédure

Une procédure commune aux mesures de protection judiciaire et à l’habilitation familiale. La procédure régissant le traitement des demandes de protection judiciaire est commune à l’ensemble de ces mesures (tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice). Depuis le décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019, cette procédure trouve application à la demande d’habilitation familiale (cf., à ce sujet, la fiche 4.2 du présent guide, relative à l’habilitation familiale).

1°) Juge des tutelles compétent

« Le juge des tutelles territorialement compétent est celui de la résidence habituelle de la personne à protéger ou protégée ou celui du domicile du tuteur » (article 1211 du code de procédure civile).

2° Contenu de la demande

  1. Informations ou documents à joindre à la requête présentée au juge des tutelles.

- « La requête aux fins de prononcé d'une mesure de protection d'un majeur comporte, à peine d'irrecevabilité :

1° Le certificat médical circonstancié prévu à l'article 431 du code civil ;

2° L'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection au regard des articles 428 et 494-1 du même code » (article 1218 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 22 juillet 2019).

- « La requête aux fins de protection d’un majeur prévue à l'article 1218 mentionne également les personnes appartenant à l'entourage du majeur à protéger énumérées au premier alinéa de l'article 430 et à l’article 494-1 du code civil ainsi que le nom de son médecin traitant, si son existence est connue du requérant. Celui-ci précise, dans la mesure du possible, les éléments concernant la situation familiale, sociale, financière et patrimoniale du majeur, ainsi que tout autre élément, relatif notamment à son autonomie.

Le greffier avise le procureur de la République de la procédure engagée, sauf lorsque ce dernier est le requérant » (article 1218-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 22 juillet 2019).

Exigences spécifiques dans l’hypothèse d’une demande formulée par le procureur de la République, saisi par une personne autre qu’un membre de l’entourage de la personne à protéger.

Texte de référence. « Lorsque le procureur de la République est saisi par une personne autre que l’une de celles de l’entourage du majeur énumérées au premier alinéa de l’article 430, la requête transmise au juge des tutelles comporte en outre, à peine d’irrecevabilité, les informations dont cette personne dispose sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger et l’évaluation de son autonomie ainsi que, le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle. La nature et les modalités de recueil des informations sont définies par voie réglementaire. Le procureur de la République peut solliciter du tiers qui l’a saisi des informations complémentaires » (article 431 alinéa 3 du code civil).

Exigence introduite par la loi du 23 mars 2019. La modification opérée par ce texte a visé à « permettre au procureur de la République et au juge [des tutelles] de définir au mieux la mesure la plus adaptée pour s’assurer du réel besoin de protection du majeur. Toute saisine du juge par le parquet dans les suites d’une alerte d’un service médical, social ou médico-social [doit désormais] être impérativement accompagnée, outre le certificat médical [établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République], d’une évaluation sociale et financière et d’une évaluation des solutions d’accompagnement de l’intéressé au regard des solutions de soutien déjà existantes » (Assemblée nationale, Rapport du 9 novembre 2018, p. 99).

Informations à communiquer au procureur de la République. La circulaire du ministère de la justice du 25 mars 2019 indique que « l’article 9-I-4° institue une évaluation sociale pluridisciplinaire de la situation du majeur à protéger en cas de saisine du procureur, hors les cas de saisine familiale. La nature et les modalités de recueil des informations ont été précisées par le décret n° 2019-1464 du 26 décembre 2019.

 
Informations à communiquer au procureur de la République
  • L’identité de la personne à protéger et la description des faits appelant la protection au sens de l’article 428 du code civil.
    • Texte de référence : Article 1216-1 du code de procédure civile
       
  • Lorsqu’elles sont connues et utiles, les informations suivantes, en précisant comment elles ont été recueillies :

    - la composition de la famille de la personne à protéger, ses conditions de vie, son lieu de vie et son environnement social ;
    - la consistance de son patrimoine, les ressources, les charges et dettes ainsi que, le cas échéant, la liste des prestations mobilisables au bénéfice de la personne ;
    - l’autonomie de la personne, évaluée au regard de sa capacité à s’organiser seule dans la vie quotidienne, à accomplir ses démarches administratives et gérer son budget, seule.

    • Texte de référence : Article 1216-2 du code de procédure civile

  • Le cas échéant, les responsables de ces établissements et services [services départementaux et communaux d’action sociale, maisons départementales des personnes handicapées, les institutions mettant en œuvre la méthode MAIA, les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les établissements de santé] précisent quelles actions sont menées et envisagées dans l’intérêt de la personne qu’il y a lieu de protéger.

    • Texte de référence : Article 1216-3 du code de procédure civile

 
Personnes soumises à l’obligation de transmettre les informations figurant aux articles 1216-1 et 1216-2 du code de procédure civile. « Les services départementaux et communaux d’action sociale, les maisons départementales des personnes handicapées, les institutions mettant en œuvre la méthode mentionnée à l’article L. 113-3 du code de l’action sociale et des familles [MAIA], les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les établissements de santé sont tenus de transmettre au procureur de la République les informations mentionnées aux articles 1216-1 et 1216-2.
Le cas échéant, les responsables de ces établissements et services précisent quelles actions sont menées et envisagées dans l’intérêt de la personne qu’il y a lieu de protéger » (article 1216-3 du code de procédure civile).


Certificat médical établi par un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République

1. Contenu du certificat médical.

« Le certificat médical circonstancié prévu par l'article 431 du code civil :
   1° Décrit avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé ;
   2° Donne au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération ;
   3° Précise les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel.
Le certificat indique si l'audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté.
Le certificat est remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l'attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles » (article 1219 du code de procédure civile).

2. Le dossier de demande est-il recevable lorsque la personne à protéger refuse de se soumettre à l’examen qui permet au médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République de rédiger le certificat médical ?

Texte de référence. « La demande est accompagnée, à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Ce médecin peut solliciter l'avis du médecin traitant de la personne qu'il y a lieu de protéger » (article 431 du code civil).

Jurisprudence de la Cour de cassation : à défaut d’examen, le médecin inscrit sur la liste du procureur de la République peut établir le certificat médical circonstancié sur pièces médicales. La Cour de cassation a jugé, notamment dans un arrêt du 20 avril 2017, que « selon [l’article 431 du code civil], la demande d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République ; qu’au sens de ce texte, le certificat circonstancié peut être établi sur pièces médicales, en cas de carence de l’intéressé » (Cass. civ. 1re, 20 avril 2017, n° de pourvoi 16-17672).

Sollicitation de l’avis du médecin traitant. L’article 431 du code civil énonce que « [le médecin choisi sur la liste du procureur de la République] peut solliciter l'avis du médecin traitant de la personne qu'il y a lieu de protéger ».
La loi du 5 mars 2007 avait inséré cet énoncé (initialement en créant un article 431-1 du code civil, l’énoncé a été transféré à l’article 431 de ce même code par la loi du 16 février 2015). Cet ajout a eu pour objet d’écarter tout obstacle juridique, toute contestation à la coopération entre ces deux médecins, compte tenu du devoir de secret professionnel.
La loi du 5 mars 2007 supprime l’obligation de recueil de l’avis du médecin traitant compte tenu que ce dernier s’est trouvé dans une position souvent délicate : soumis à la pression de l’entourage familial de son patient, il est parfois aussi l’un de ses seuls interlocuteurs et peut être réticent à prendre le risque de rompre le lien de confiance qui l’unit à son patient. La loi n’exclut pas toutefois l’intervention du médecin traitant. Il peut établir le certificat médical circonstancié s’il est inscrit sur la liste établie par le procureur de la République. Le juge peut également solliciter son avis s’il l’estime utile.

Exclusion d’un simple constat de carence (lettre constatant que la personne ne s’est pas présentée aux convocations). La Cour de cassation a jugé, notamment dans l’arrêt du 20 avril 2017 précité, que, si, en cas de carence de l'intéressé, ce certificat circonstancié peut être établi sur pièces médicales, tel n'est pas le cas d'une lettre du médecin inscrit constatant que la personne à protéger ne s'est pas présentée aux convocations
De même, par un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation avait annulé le jugement du tribunal qui avait considéré comme recevable la requête accompagnée d’une lettre rédigée par un médecin agréé attestant du refus par la personne visée par la demande de se soumettre à un examen médical. Le tribunal avait estimé que la personne visée par la mesure n’était pas fondée à se prévaloir de l’absence de certificat médical circonstancié dès lors que, par son propre fait, elle avait rendu impossible ce constat (Cass. civ. 1re, 29 juin 2011, n° 10-21.879).
Cet arrêt, rendu en référence à la législation du 5 mars 2007, est contraire à la jurisprudence antérieure de cette même cour. Dans un arrêt du 10 juillet 1984, la Cour de cassation considérait que la personne qui fait l’objet d’une mesure ne peut se prévaloir de l’absence de certificat médical lorsque, par son propre fait, elle a rendu la constatation impossible en se refusant à tout examen médical (Cass. civ. 1ère, 10 juillet 1984).
 
3. Quel est le montant des honoraires du médecin qui établit ce certificat médical circonstancié et qui doit en avoir la charge ?
Le coût. Le coût du certificat médical est de 160 euros (article R. 217-1 du code de procédure pénale). Ce montant doit être considéré comme un montant maximal (Circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009). Dans le cas où le médecin, requis par le procureur de la République ou commis par le juge des tutelles, justifie n'avoir pu établir ce certificat du fait de la carence de la personne à protéger ou protégée, il lui est alloué une indemnité forfaitaire de 30 € (article R. 217-1 du code de procédure pénale).
 

La charge du paiement de ces honoraires. Les frais de procédure sont à la charge de la personne qui fait l’objet d’une mesure de protection. Le juge des tutelles peut décider qu’une autre partie en supportera la charge. Si le majeur « ne paraît pas avoir de ressources suffisantes, le juge des tutelles constate cette insuffisance par ordonnance ». « Les frais sont alors avancés et recouvrés comme en matière de frais de justice » (article R. 217 du code de procédure pénale). Les dépenses qui résultent des procédures suivies en application de la législation en matière de tutelle et curatelle des majeurs et de sauvegarde de justice « sont assimilés aux frais de justice criminelle, correctionnelle et de police ». Il y a dès lors lieu de se référer aux règles d’avance et de recouvrement des frais de justice en matière pénale prévue au code de procédure pénale (article R. 93 du code de procédure pénale).

  • Formulaire

Le demandeur doit compléter le document CERFA n° 15891*02, intitulé « requête en vue d’une protection juridique d’un majeur (habilitation familiale ou protection judiciaire) ». Ce formulaire est accompagné d’une notice dont il convient de prendre connaissance avant de compléter celui-ci.

  • Destinataire de la requête

« Hors les cas prévus aux articles 390 [mineurs], 391 [administration légale], 442 [renouvellement de la mesure], 485 [fin d’un mandat de protection future]et au troisième alinéa de l'article 494-3 [habilitation familiale] du code civil, le juge est saisi par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction de première instance » (article 1217 alinéa 1er du code de procédure civile).

3°) Instruction de la demande par le juge des tutelles

Déplacement du juge des tutelles. « Le juge des tutelles peut, dans tous les cas où il a l'obligation ou il estime utile d'entendre la personne à protéger ou protégée, se déplacer dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel ainsi que dans les départements limitrophes de celui où il exerce ses fonctions. Les mêmes règles sont applicables aux magistrats de la cour d'appel en cas de recours » (article 1220 du code de procédure civile)

Audition de la personne à protéger.

« Le juge statue, la personne entendue ou appelée. L'intéressé peut être accompagné par un avocat ou, sous réserve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix.
Le juge peut toutefois, par décision spécialement motivée et sur avis d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431, décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'audition de l'intéressé si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté » (article 432 du code civil).

« L'audition de la personne peut avoir lieu au siège du tribunal, au lieu où elle réside habituellement, dans l'établissement de traitement ou d'hébergement ou en tout autre lieu approprié.
L'audition n'est pas publique.
Le juge peut, s'il l'estime opportun, procéder à cette audition en présence du médecin traitant ou de toute autre personne.
L'avocat de la personne à protéger ou protégée est informé de la date et du lieu de l'audition.
Il est dressé procès-verbal de celle-ci » (article 1220-1 du code de procédure civile).

« La décision du juge disant n'y avoir lieu à procéder à l'audition du majeur à protéger ou protégé en application du second alinéa de l'article 432 ou de l'article 494-4 du code civil est notifiée au requérant et, le cas échéant, à l'avocat du majeur.
Par la même décision, le juge ordonne qu'il soit donné connaissance de la procédure engagée au majeur selon des modalités appropriées à son état.
Il est fait mention au dossier de l'exécution de cette décision » (article 1220-2 du code de procédure civile)

« Le juge des tutelles ne peut statuer sur une requête concernant un majeur protégé et relative à la protection de sa personne qu'après avoir entendu ou appelé celui-ci sauf si l'audition est de nature à porter atteinte à la santé de l'intéressé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté » (article 1220-3 du code de procédure civile).

Audition d’autres personnes. « Le juge procède à l'audition, s'il l'estime opportun, des personnes énumérées [à l’article] 430 [conjoint, partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, parents ou alliés, personnes entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou personne(s) qui exerce à son égard une mesure de protection juridique] […]. Cette audition est de droit lorsqu'elle est sollicitée par une personne demandant à exercer la protection » (article 1220-4 alinéa 1er du code de procédure civile).

Possibilité de faire appel à un avocat. « Dans toute instance relative au prononcé, à la modification ou à la mainlevée d'une mesure de protection, le majeur à protéger ou protégé peut faire le choix d'un avocat ou demander à la juridiction saisie que le bâtonnier lui en désigne un d'office. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la demande.
Les intéressés sont informés de ce droit dans l'acte de convocation » (article 1214 du code de procédure civile).

Accompagnement lors de l’audition par un tiers choisi par la personne entendue ou appelée. « Le juge statue, la personne entendue ou appelée. L'intéressé peut être accompagné par un avocat ou, sous réserve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix » (article 432 du code civil).

Mesures d’instruction que le juge des tutelles peut ordonner. « Le juge peut, soit d'office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d'instruction. Il peut notamment faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix » (article 1221 du code de procédure civile).

Pour en savoir plus sur…

  • L’instruction de la demande de mesure de protection judiciaire ou d’habilitation familiale : cf. articles 1220 à 1221-1 du code de procédure civile
  • La consultation du dossier et la délivrance de copies : cf. articles 1222 à 1224 du code de procédure civile
  • Les convocations à l'audience : cf. article 1225 du code de procédure civile.

4°) Décision du juge des tutelles

« Passerelles » entre l’habilitation familiale et les mesures de protection judiciaire, introduites par la loi du 23 mars 2019
  • Prononcé d’une mesure de protection judiciaire (tutelle ou curatelle) dans l’hypothèse où le juge est saisi d’une demande d’habilitation familiale. « Si l’habilitation familiale sollicitée ne permet pas d’assurer une protection suffisante, le juge peut ordonner une des mesures de protection judiciaire mentionnées aux sections 3 et 4 du présent chapitre [sauvegarde de justice, tutelle ou curatelle] » (article 494-5 alinéa 2 du code civil).
     
  • Prononcé d’une habilitation familiale dans l’hypothèse où le juge est saisi d’une demande de protection judiciaire (tutelle ou curatelle). « La désignation d’une personne habilitée est également possible à l’issue de l’instruction d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire ou lorsque, en application du troisième alinéa de l’article 442, le juge des tutelles substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle » (article 494-3 alinéa 3 du code civil, alinéa introduit par la loi du 23 mars 2019).
Délai maximal au terme duquel le juge des tutelles doit avoir rendu sa décision

« La requête aux fins de protection d'un majeur est caduque si le juge des tutelles ne s'est pas prononcé sur celle-ci dans l'année où il en a été saisi » (article 1227 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 22 juillet 2019).

Notification de la décision du juge des tutelles
Personnes à qui la décision du juge des tutelles est notifiée. « Toute décision du juge est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l'administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations résultant de la mesure de protection […] » (article 1230 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 23 février 2016).

Modalités de la ou des notifications. « Les notifications qui doivent être faites à la diligence du greffe le sont par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; le juge peut, toutefois, décider qu'elles seront faites par acte d'huissier de justice.
La délivrance d'une copie certifiée conforme d'une décision du juge ou d'une délibération du conseil de famille, par le greffe contre récépissé daté et signé, vaut notification dès lors que les voies de recours et les sanctions encourues pour recours abusif sont portées à la connaissance de l'intéressé » (article 1231 du code de procédure civile).

Notification à la personne protégée. « Le jugement qui statue sur une demande d'ouverture d'une protection ou ordonnant l'habilitation familiale d'un majeur est notifié à la personne protégée elle-même ; avis en est donné au procureur de la République.
Toutefois, le juge peut, par décision spécialement motivée, décider qu'il n'y a pas lieu de notifier le jugement prononçant l'ouverture de la mesure de protection au majeur protégé si cette information est de nature à porter préjudice à sa santé. Dans ce cas, la notification en est faite à son avocat, s'il en a constitué un, ainsi qu'à la personne que le juge estime la plus qualifiée pour recevoir cette notification.
Le jugement peut être notifié, si le juge l'estime utile, aux personnes qu'il désigne parmi celles que la loi habilite à exercer un recours » (article 1230-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).
 
Publicité de la décision du juge des tutelles

Conservation au répertoire civil et publicité en marge de l’acte de naissance. « Un extrait de toute décision portant ouverture, modification de régime ou de durée ou mainlevée d'une mesure de curatelle ou de tutelle concernant un majeur ou un extrait de toute décision accordant, modifiant, renouvelant ou mettant fin à une habilitation familiale générale est transmis par tout moyen au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne protégée, à fin de conservation au répertoire civil et de publicité par mention en marge de l'acte de naissance selon les modalités prévues au chapitre III du présent titre.
Lorsque la décision est rendue par le juge des tutelles, la transmission est faite par le greffe du tribunal d'instance dans les quinze jours qui suivent l'expiration des délais de recours.
Lorsque la décision est rendue par la cour d'appel, la transmission est faite par le greffe de cette cour dans les quinze jours de l'arrêt.
Lorsqu'une mesure de protection a pris fin par l'expiration du délai fixé ou pour une autre cause que celle visée au premier alinéa et à l'article 494-11 du code civil, avis en est donné par tout moyen et aux mêmes fins par le greffe du tribunal d'instance, d'office ou après avoir été saisi par tout intéressé, au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne protégée » (article 1233 du code de procédure civile).

Inscription des décisions du juge des tutelles de mise en place d’une tutelle au répertoire civil tenu par le greffe du tribunal de grande instance (tribunal judiciaire, à compter du 1er janvier 2020)

Tribunal chargé de conserver la décision du juge des tutelles. « Le classement et la conservation des extraits sont assurés par le greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne concernée et par le service central d'état civil pour les personnes nées à l'étranger » (article 1058 du code de procédure civile).

Accès au répertoire tenu par les greffes du TGI. « Des copies des extraits conservés au répertoire civil peuvent être délivrées à tout intéressé. Elles ne peuvent l'être que sur autorisation du procureur de la République lorsqu'une indication de radiation a été portée en marge des actes de naissance par application de l'article précédent » (article 1061 du code de procédure civile).

Mention sur l’acte de naissance de la personne visée par le jugement de tutelle. « La publicité des demandes, actes et jugements est réalisée par une mention en marge de l'acte de naissance de l'intéressé. Cette mention est faite à la diligence du greffier du tribunal de grande instance ou, le cas échéant, à celle du service central d'état civil. Elle est constituée par l'indication " RC " suivie de la référence sous laquelle la demande, l'acte ou le jugement a été conservé.
La date à laquelle la mention est apposée est portée sur l'extrait conservé au greffe ou au service central d'état civil » (article 1059 du code de procédure civile).
La mention est complétée dans le cas d’une levée de mesure par l’indication qu’elle comporte radiation des mentions antérieures (article 1060 du code de procédure civile). Par contre, il n’est pas prévu de publier en marge de l’acte de naissance tous les renouvellements de mesure.

Obtention d’un extrait d’acte de naissance. Un extrait d’acte de naissance sans mention de la filiation peut être obtenu sans justificatif à la mairie du lieu de naissance de la personne concernée. La demande d’obtention d’un extrait de naissance peut être effectuée par Internet (www.service-public.fr) ou, à défaut de possibilité d’envoi en ligne pour la commune concernée, en s’adressant directement à celle-ci.

Opposabilité des jugements deux mois en principe après la mention sur l’acte de naissance.

« Les jugements portant ouverture, modification ou mainlevée de la curatelle ou de la tutelle ne sont opposables aux tiers que deux mois après que la mention en a été portée en marge de l'acte de naissance de la personne protégée selon les modalités prévues par le code de procédure civile.
Toutefois, même en l'absence de cette mention, ils sont opposables aux tiers qui en ont personnellement connaissance » (article 444 du code civil).

5°) Appel de la décision du juge des tutelles

Appel possible des décisions du juge des tutelles. « Sauf disposition contraire, les décisions du juge des tutelles et les délibérations du conseil de famille sont susceptibles d'appel.
Sans préjudice des dispositions prévues par les articles 1239-1 à 1239-3, l'appel est ouvert aux personnes énumérées aux articles 430 et 494-1 du code civil, même si elles ne sont pas intervenues à l'instance » (article 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).

Hypothèse d’une décision du juge des tutelles refusant l’ouverture d’une mesure de protection. « L'appel contre le jugement qui refuse de prononcer une mesure de protection à l'égard d'un majeur n'est ouvert qu'au requérant » (article 1239-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).
Au contraire, dans le cas d’une délibération du conseil de famille, l’article 1239-3 du code de procédure civile énonce que « sans préjudice des dispositions prévues par l'article 1239-1, l'appel contre une délibération du conseil de famille est ouvert à tous ses membres et au juge des tutelles, quel qu'ait été leur avis lors de la délibération ».

Délai de l’appel. « Le délai d'appel est de quinze jours » (article 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).
« Le délai d'appel contre les jugements statuant sur une mesure de protection à l'égard d'un majeur court :
1° A l'égard du majeur protégé, à compter de la notification prévue à l'article 1230-1 ;
2° A l'égard des personnes à qui le jugement doit être notifié, à compter de cette notification ;
3° A l'égard des autres personnes, à compter du jugement » (article 1241 du code de procédure civile).

Avocat non obligatoire. « Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat » (article 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).

Modalités de l’appel. « L'appel est formé par déclaration faite ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe de la juridiction de première instance.
Le greffier enregistre l'appel à sa date ; il délivre ou adresse par lettre simple, récépissé de la déclaration.
Il transmet sans délai une copie du dossier à la cour » (article 1242 du code de procédure civile).
 

II. Les effets d’une mesure de tutelle

Une mesure de représentation.

Texte de référence. « Sous réserve des cas où la loi ou l'usage autorise la personne en tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile » (article 473 alinéa 1er du code civil).

Analyse. Degré de protection supérieur, la tutelle vise à représenter, de manière continue dans les actes de la vie civile la personne âgée. Cette dernière doit présenter une altération de ses facultés personnelles de sorte que cette représentation soit nécessaire. Fondée sur la notion de représentation, la tutelle confie l’exercice des droits du majeur à un tiers.

Une représentation sous réserve des actes que le juge des tutelles permet au tutélaire de faire seul.
« Toutefois, le juge peut, dans le jugement d'ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l'assistance du tuteur » (article 473 alinéa 2 du code civil).
La dénomination « tutelle allégée » est parfois employée lorsque le juge énumère les actes que la personne peut faire seule ou non, bien qu’elle ne figure pas en tant que telle dans le code civil.

A. Effets en matière patrimoniale

Textes de référence.
  • « La personne en tutelle est représentée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine dans les conditions et selon les modalités prévues au titre XII [intitulé : De la gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle] » (article 474 du code civil).
     
  • « Le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine.
    Il est tenu d'apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée » (article 496 du code civil).

Information du juge des tutelles par tout tiers. « Les tiers peuvent informer le juge des actes ou omissions du tuteur qui leur paraissent de nature à porter préjudice aux intérêts de la personne protégée. Ils ne sont pas garants de l'emploi des capitaux. Toutefois, si à l'occasion de cet emploi ils ont connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement l'intérêt de la personne protégée, ils en avisent le juge. La tierce opposition contre les autorisations du conseil de famille ou du juge ne peut être exercée que par les créanciers de la personne protégée et en cas de fraude à leurs droits » (article 499 du code civil).

Actes d’administration : le tuteur peut les accomplir seul

Définition. « Constituent des actes d’administration les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal » (article 1er du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008).

Liste des actes d’administration. « La liste des actes qui sont regardés, pour l'application du présent titre, comme des actes d'administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et comme des actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle est fixée par décret en Conseil d'Etat [décret du 22 décembre 2008] » (article 496 du code civil). Cf. liste en annexe 2 de la présente fiche en pdf.

Attributions du tuteur. Ces actes peuvent être réalisés par le tuteur sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.

Texte de référence. « Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et, sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article 473 [actes énumérés dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement que la personne en tutelle a la capacité de faire seul ou avec l'assistance du tuteur], les actes d'administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée » (article 504 du code civil).

Analyse. Ce régime plus souple se justifie par le fait que les actes concernés ne portent pas atteinte au droit de propriété car ils n’altèrent pas définitivement et de manière importante la valeur du patrimoine.
A ce titre, le tuteur peut percevoir ses revenus, et donc effectuer des retraits d’argent à la banque et payer les dettes de la personne qu’il protège. Il peut vendre des meubles courants, assurer les réparations d’entretien ou les grosses réparations indispensables. La qualification d’acte d’administration ne doit pas être appréciée seulement compte tenu de la nature de l’acte mais aussi au regard des conséquences sur le patrimoine de la personne protégée.
Lorsque ces actes sont accomplis par le tuteur, ils sont réputés faits par le tutélaire lui-même.

Cette gestion s’exerce sous réserve des actes qui sont laissés par le juge au tutélaire ou avec l’assistance du tuteur (cas d’une tutelle « allégée »). Dans ce cas, le tuteur ne pourra pas faire seul les actes d’administration concernés.

Actes conservatoires

Définition. Les actes conservatoires sont les actes juridiques dont l’objet consiste, par nécessité et/ou en raison de l’urgence, soit de sauvegarder un droit, soit à empêcher la perte d’un bien. Cela peut être, par exemple, le règlement des charges de copropriété.

Texte de référence. « Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et, sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article 473 [actes énumérés dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement que la personne en tutelle a la capacité de faire seul ou avec l'assistance du tuteur], les actes d'administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée » (article 504 du code civil).

Actes de disposition : le tuteur doit obtenir l’autorisation du juge des tutelles (ou, s’il en existe un, du conseil de famille)

Définition. « Constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire » (article 2 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008).

Liste des actes de disposition. « La liste des actes qui sont regardés, pour l'application du présent titre, comme des actes d'administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et comme des actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle est fixée par décret en Conseil d'Etat [décret du 22 décembre 2008] » (article 496 du code civil). Cf. liste en annexe 2 de la présente fiche en pdf. 
Les actes de disposition impliquent un transfert de propriété. Relèvent de cette catégorie, entre autres, l’emprunt, la vente d’immeubles ou de fonds de commerce, ainsi que le placement des capitaux (article 505 du code civil).

Attributions du tuteur. « Le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée » (article 505 du code civil).
Ce principe a été maintenu par la loi du 5 mars 2007.

Contenu de l’autorisation. « L'autorisation détermine les stipulations et, le cas échéant, le prix ou la mise à prix pour lequel l'acte est passé. L'autorisation n'est pas exigée en cas de vente forcée sur décision judiciaire ou en cas de vente amiable sur autorisation du juge.
L'autorisation de vendre ou d'apporter en société un immeuble, un fonds de commerce ou des instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé ne peut être donnée qu'après la réalisation d'une mesure d'instruction exécutée par un technicien ou le recueil de l'avis d'au moins deux professionnels qualifiés.
En cas d'urgence, le juge peut, par décision spécialement motivée prise à la requête du tuteur, autoriser, en lieu et place du conseil de famille, la vente d'instruments financiers à charge qu'il en soit rendu compte sans délai au conseil qui décide du remploi » (article 505 alinéas 2 et suivants du code civil).

Actes que le tuteur ne peut pas accomplir

La loi du 5 mars 2007 maintient les interdictions précédemment énoncées.

« Le tuteur ne peut, même avec une autorisation :

  • 1° Accomplir des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée sauf ce qui est dit à propos des donations, tels que la remise de dette, la renonciation gratuite à un droit acquis, la renonciation anticipée à l'action en réduction visée aux articles 929 à 930-5, la mainlevée d'hypothèque ou de sûreté sans paiement ou la constitution gratuite d'une servitude ou d'une sûreté pour garantir la dette d'un tiers ;
  • 2° Acquérir d'un tiers un droit ou une créance que ce dernier détient contre la personne protégée ;
  • 3° Exercer le commerce ou une profession libérale au nom de la personne protégée ;
  • 4° Acheter les biens de la personne protégée ainsi que les prendre à bail ou à ferme, sous réserve des dispositions de l'article 508 ;
  • 5° Transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou droits d'un majeur protégé » (article 509 du code civil).
Acquisition des biens du tutélaire. « A titre exceptionnel et dans l'intérêt de la personne protégée, le tuteur qui n'est pas mandataire judiciaire à la protection des majeurs peut, sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge, acheter les biens de celle-ci ou les prendre à bail ou à ferme.
Pour la conclusion de l'acte, le tuteur est réputé être en opposition d'intérêts avec la personne protégée » (article 508 du code civil).


Analyse de différents actes que le tuteur peut ou non accomplir

  • Gestion des comptes bancaires. « Les capitaux revenant à la personne protégée sont versés directement sur un compte ouvert à son seul nom et mentionnant la mesure de tutelle, auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public.
    Lorsque la mesure de tutelle est confiée aux personnes ou services préposés des établissements de santé et des établissements sociaux ou médico-sociaux soumis aux règles de la comptabilité publique, cette obligation de versement est réalisée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » (article 498 du code civil).
     
  • Donation. « La personne en tutelle peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations » (article 476 alinéa 1er du code civil).
     
  • Testament. « [La personne en tutelle] ne peut faire seule son testament après l'ouverture de la tutelle qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, à peine de nullité de l'acte. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion.
    Toutefois, elle peut seule révoquer le testament fait avant ou après l'ouverture de la tutelle.
    Le testament fait antérieurement à l'ouverture de la tutelle reste valable à moins qu'il ne soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu » (article 476 alinéa 2 du code civil).
     
  • Conclusion d’un bail. « Les baux consentis par le tuteur ne confèrent au preneur, à l'encontre de la personne protégée devenue capable, aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux à l'expiration du bail, quand bien même il existerait des dispositions légales contraires. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables aux baux consentis avant l'ouverture de la tutelle et renouvelés par le tuteur » (article 504 du code civil).
     
  • Action en justice. « La personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur.
    Celui-ci ne peut agir, en demande ou en défense, pour faire valoir les droits extra-patrimoniaux de la personne protégée qu'après autorisation ou sur injonction du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Le juge ou le conseil de famille peut enjoindre également au tuteur de se désister de l'instance ou de l'action ou de transiger » (article 475 du code civil).
    En matière patrimoniale, le texte de référence spécifique est le suivant : « [le tuteur] agit seul en justice pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne protégée » (article 504 du code civil).

S’agissant du dépôt de plainte, l’objet de cette démarche est essentiel pour déterminer celui qui peut en être l’auteur :

  • Lorsque le dépôt de plainte concerne des droits patrimoniaux (par exemple, plainte liée à une escroquerie, un vol…), la personne faisant l’objet d’une tutelle est obligatoirement représentée par son tuteur, comme il est indiqué à l’article 504 alinéa 2 du code civil : « [le tuteur] agit seul en justice pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne protégée ».
  • Lorsque le dépôt de plainte n’est pas en lien avec le patrimoine (violences physiques, par exemple), le dépôt de plainte peut être effectué par la personne protégée ou, le cas échéant, par le tuteur mais sous réserve que ce dernier dispose d’une autorisation du juge des tutelles (à défaut de conseil de famille). Le texte de référence est l’article 475 du code civil : « La personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur.
    Celui-ci ne peut agir, en demande ou en défense, pour faire valoir les droits extra-patrimoniaux de la personne protégée qu'après autorisation ou sur injonction du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Le juge ou le conseil de famille peut enjoindre également au tuteur de se désister de l'instance ou de l'action ou de transiger ».
  • Conclusion d’une convention obsèques

Texte de référence. « Il est défendu à toute personne de contracter une assurance en cas de décès sur la tête d'un mineur âgé de moins de douze ans, d'un majeur en tutelle, d'une personne placée dans un établissement psychiatrique d'hospitalisation.
Toutefois, cette prohibition n’est pas applicable aux formules de financement d’obsèques mentionnées à l’article L. 2223-33-1 du code général des collectivités territoriales souscrites sur la tête d’un majeur en tutelle.
Toute assurance contractée en violation de cette prohibition est nulle.
La nullité est prononcée sur la demande de l'assureur, du souscripteur de la police ou du représentant de l'incapable.
Les primes payées doivent être intégralement restituées.
L'assureur et le souscripteur sont en outre passibles, pour chaque assurance conclue sciemment en violation de cette interdiction, d'une amende de 4 500 euros.
Ces dispositions ne mettent point obstacle dans l'assurance en cas de décès, au remboursement des primes payées en exécution d'un contrat d'assurance en cas de vie, souscrit sur la tête d'une des personnes mentionnées au premier alinéa ci-dessus ou au remboursement du seul montant des primes payées, en exécution d'un contrat d'assurance de survie, souscrit au bénéfice d'une des personnes mentionnées au premier alinéa ci-dessus » (article L. 132-3 du code des assurances).

Apports de la loi du 23 mars 2019. Le législateur a souhaité « clarifier le régime des conventions-obsèques qui permettent d’anticiper la volonté du majeur protégé et de respecter ses volontés en matière de funérailles, le décès de la personne protégée mettant fin au mandat judiciaire du tuteur. […] Il convient de permettre au tuteur d’y souscrire sans autorisation préalable » (Assemblée nationale, Rapport n° 1548 et 1549 du 19 décembre 2018, p. 37).

Inventaire des biens de la personne en tutelle (à l’ouverture de la mesure)

Cette opération relève des actes que le tuteur peut accomplir sans autorisation.

Texte de référence. « Le tuteur fait procéder, en présence du subrogé tuteur s'il a été désigné, à un inventaire des biens de la personne protégée, qui est transmis au juge dans les trois mois de l'ouverture de la tutelle pour les biens meubles corporels, et dans les six mois pour les autres biens, avec le budget prévisionnel. Il en assure l'actualisation au cours de la mesure.
Il peut obtenir communication de tous renseignements et documents nécessaires à l'établissement de l'inventaire auprès de toute personne publique ou privée, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire.
Lorsque le juge l'estime nécessaire, il peut désigner dès l'ouverture de la mesure un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice ou un notaire pour procéder, aux frais de la personne protégée, à l'inventaire des biens meubles corporels, dans le délai prévu au premier alinéa.
Si l'inventaire n'a pas été établi ou se révèle incomplet ou inexact, la personne protégée et, après son décès, ses héritiers peuvent faire la preuve de la valeur et de la consistance de ses biens par tous moyens.
En cas de retard dans la transmission de l'inventaire, le juge peut désigner un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un mandataire judiciaire à la protection des majeurs pour y procéder aux frais du tuteur » (article 503 du code civil).

Apports de la loi du 23 mars 2019. Le législateur a souhaité « encadrer davantage les conditions d’établissement de l’inventaire » (Assemblée nationale, Rapport n° 1548 et 1549 du 19 décembre 2018).
  • 1- A ce titre, il est ajouté à la transmission de l’inventaire au juge des tutelles celle du budget prévisionnel, afin de faciliter le contrôle des comptes de gestion de la tutelle.
  • 2- Il est introduit la possibilité pour le juge des tutelles « lorsqu’il l’estime nécessaire » de « désigner dès l’ouverture de la mesure un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice ou un notaire pour procéder, aux frais de la personne protégée, à l’inventaire des biens meubles corporels ».
  • 3- La réforme prévoit également un nouveau dispositif de sanction dans l’hypothèse où le tuteur remet l’inventaire en retard.
    Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs, l’inventaire devait être réalisé dans les dix jours suivant la nomination du tuteur, délai qui était impossible à respecter, comme l’avait relevé Henri de Richemont, dans son rapport sur ce projet de loi (Rapport n° 2012 (2006-2007) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 février 2007, sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, p. 62).

Le délai de remise de l’inventaire avait donc déjà été allongé de dix jours à trois mois.

Le juge des tutelles peut alors désigner un « technicien » pour y procéder. Celui-ci intervient aux frais du tuteur. La notion de « technicien » a été écartée dans le texte final, préférant la mention plus précise d’un « commissaire-priseur judiciaire », d’un « huissier de justice », d’un « notaire » ou d’un « mandataire judiciaire à la protection des majeurs », pour procéder à l’inventaire.

Etablissement, vérification et approbation des comptes

  • Etablissement d’un compte annuel de gestion. « Le tuteur établit chaque année un compte de sa gestion auquel sont annexées toutes les pièces justificatives utiles » (article 510 alinéa 1er du code civil, libellé de cet article inchangé avec la loi du 23 mars 2019).
    • Accès aux comptes déjà ouverts. « A cette fin, il sollicite des établissements auprès desquels un ou plusieurs comptes sont ouverts au nom de la personne protégée un relevé annuel de ceux-ci, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire » (article 510 alinéa 2 du code civil).
    • Droit d’accès au compte et aux pièces justificatives notamment par le tutélaire. « Le tuteur est tenu d'assurer la confidentialité du compte de gestion. Toutefois, une copie du compte et des pièces justificatives est remise chaque année par le tuteur à la personne protégée lorsqu'elle est âgée d'au moins seize ans, ainsi qu'au subrogé tuteur s'il a été nommé et, si le tuteur l'estime utile, aux autres personnes chargées de la protection de l'intéressé.
      En outre, le juge peut, après avoir entendu la personne protégée et recueilli son accord, si elle a atteint l'âge précité et si son état le permet, autoriser le conjoint, le partenaire du pacte civil de solidarité qu'elle a conclu, un parent, un allié de celle-ci ou un de ses proches, s'ils justifient d'un intérêt légitime, à se faire communiquer à leur charge par le tuteur une copie du compte et des pièces justificatives ou une partie de ces documents » (article 510 du code civil, libellé inchangé avec la loi du 23 mars 2019).
  • Vérification et approbation des comptes de gestion
Texte de référence. « Pour les majeurs protégés, les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ou par le conseil de famille lorsqu’il est fait application de l’article 457. Lorsque plusieurs personnes ont été désignées dans les conditions de l’article 447 pour la gestion patrimoniale, les comptes annuels de gestion doivent être signés par chacune d’elles, ce qui vaut approbation. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection.

Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque l’importance et la composition du patrimoine de la personne protégée le justifient, le juge désigne, dès réception de l’inventaire du budget prévisionnel, un professionnel qualifié chargé de la vérification et de l’approbation des comptes dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le juge fixe dans sa décision les modalités selon lesquelles le tuteur soumet à ce professionnel le compte de gestion, accompagné des pièces justificatives, en vue de ces opérations.

En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur, d’un co-tuteur, d’un tuteur adjoint ou d’un conseil de famille, le juge fait application du deuxième alinéa du présent article » (article 512 du code civil).

Avec la loi du 23 mars 2019, une vérification des comptes de gestion confiée aux organes de protection ou, par dérogation, à des professionnels du droit et du chiffres (notamment des experts-comptables)

Contrôle interne par les organes de protection en substitution à un contrôle par la puissance publique. L’article 512 du code civil a été réécrit afin de prévoir, pour les majeurs protégés, un contrôle interne par les organes de protection de la mesure eux-mêmes en lieu et place de la mission de vérification et d’approbation des comptes dévolue aux greffes. Il s’agit ainsi d’abandonner le principe du contrôle des comptes de gestion par la puissance publique.
Ainsi, les comptes de gestion sont désormais vérifiés et approuvés :
  • soit par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ;
  • soit par le conseil de famille s’il en existe un. Celui-ci délibère hors de la présence du juge.

Lorsque plusieurs personnes ont été désignées pour assurer la gestion patrimoniale de la personne protégée (co-tuteur ou tuteur adjoint de l’article 447 du code civil), les comptes de gestion que ces personnes auraient établis sont considérés comme approuvés dès lors qu’ils sont signés par l’ensemble des personnes désignées par le juge.
Le juge n’intervient qu’en cas de difficultés ou de refus de signature, pour statuer sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection.

Dérogation au contrôle interne par les organes de protection. Par dérogation, lorsque l’importance et la composition du patrimoine le justifient, le juge désigne, dès réception de l’inventaire et du budget prévisionnel, une personne qualifiée chargée de la vérification et de l’approbation des comptes dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Sont visés des professionnels du droit et du chiffre, particulièrement les experts-comptables. Le juge devrait fixer dans sa décision les modalités selon lesquelles le tuteur soumet à cette dernière le compte de gestion, accompagné des pièces significatives, en vue de ces opérations.

En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur, d’un co-tuteur ou d’un conseil de famille, le juge peut également faire application de cette procédure externe de contrôle des comptes de gestion par la désignation d’une personne qualifiée. Ainsi, dans cette hypothèse, le juge doit statuer sur les modalités de contrôle des comptes (dispense de contrôle, d’établissement de comptes ou contrôle par un tiers extérieur) dès la réception de l’inventaire et du budget prévisionnel.

  • Dispense d’approbation des comptes de gestion

Texte de référence. « Par dérogation aux articles 510 à 512, le juge peut décider de dispenser le tuteur de soumettre le compte de gestion à approbation en considération de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée.

Lorsque la tutelle n’a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, il peut également décider de le dispenser d’établir le compte de gestion » (article 513 du code civil).

Extension de la dispense d’approbation des comptes de gestion aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs par la loi du 23 mars 2019. L’article 513 du code civil a été réécrit pour étendre aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs la possibilité, jusqu’alors réservée aux mandataires familiaux, d’être dispensé, par le juge, de soumettre à approbation leurs comptes de gestion, compte tenu de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée.

B. Actes relatifs à la personne faisant l’objet d’une tutelle

Droit de la personne protégée à être informée de sa situation personnelle par la personne assurant sa protection. « La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d'urgence, leurs effets et les conséquences d'un refus de sa part » (article 457-1 du code civil).

Exclusion d’une représentation pour les actes requérant un consentement « strictement personnel ». « Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée.
Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant » (article 458 du code civil).

Décisions concernant la vie privée de la personne bénéficiant d’une tutelle. « Hors les cas prévus à l'article 458 [actes requérant un consentement strictement personnel], la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet.
Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l'intéressé, y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l'un ou l'autre à prendre la décision, à leur demande ou d'office.
Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intimité de la vie privée de la personne protégée.
La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l'intéressé. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué » (article 459 du code civil).

Choix du lieu de résidence. « La personne protégée choisit le lieu de sa résidence.
[…] En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué statue » (article 459-2 du code civil).

Visites au domicile. « [La personne protégée] entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d'être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci.
En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué statue » (article 459-2 du code civil).

Consentement aux soins. Cf. fiche n° 1.3 du présent guide.

Compte-rendu au juge des tutelles des diligences accomplies par le tuteur s’agissant des actes personnels. « A l'ouverture de la mesure ou, à défaut, ultérieurement, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué décide des conditions dans lesquelles le curateur ou le tuteur chargé d'une mission de protection de la personne rend compte des diligences qu'il accomplit à ce titre » (article 463 du code civil).

III. Le renouvellement de la mesure de tutelle

A. La durée de validité

Mesure initiale

Principe d’une durée de cinq ans avec possibilité pour le juge de déterminer une durée plus longue sans que celle-ci puisse dépasser dix ans.

Texte de référence. « Le juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder cinq ans. Le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrites à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée plus longue, n'excédant pas dix ans » (article 441 du code civil).

Apports de la loi du 16 février 2015. Avant la loi du 16 février 2005, la mesure initiale de tutelle ne pouvait excéder cinq ans, sans que le juge des tutelles puisse y déroger. L’introduction de cette dérogation répond à plusieurs objectifs :
   cette révision au bout de cinq ans apparaît souvent inutile aux proches de la personne protégée, lorsque son état de santé n'est pas susceptible de connaître des améliorations ;
   la modification du dispositif tend également à répondre aux difficultés pratiques rencontrées par les juridictions qui ont obligation de procéder au réexamen systématique de la mesure initiale au bout de cinq ans ;
   dans certaines situations, dès le prononcé de la mesure initiale, il apparaît évident, compte-tenu des connaissances scientifiques disponibles, que l'état de la personne n'est pas susceptible de s'améliorer dans les années à venir.

Exclusion d’une mesure à durée indéterminée. Le législateur a écarté la possibilité de permettre au juge de prononcer une mesure avec possibilité d’en exclure le renouvellement. Une telle initiative aurait été contraire à l’esprit de la loi du 5 mars 2007. Il s’agit de conserver le moment de la révision, lequel permet de « vérifier que le régime de protection est bien ajusté à l'état de santé de la personne ». Il est aussi « l’occasion pour le juge d’apprécier les conditions d'exécution de la mesure après quelques années de mise en œuvre. Ce rendez-vous lui permet de s'interroger sur le choix du tuteur, sur l'opportunité de nommer un subrogé tuteur, des cotuteurs ou de confier la mesure à la famille ou inversement » (Sénat, Rapport du 15 janvier 2014).

Renouvellement de la mesure

Possibilité d’un renouvellement au-delà de cinq ans, sans que ce délai puisse excéder vingt ans. « Le juge peut renouveler la mesure pour une même durée [de cinq ans].
Toutefois, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé […] n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste [établie par le procureur de la République], renouveler la mesure pour une durée plus longue qu'il détermine, n'excédant pas vingt ans » (article 442 du code civil).

Jusqu’à la réforme du 16 février 2015, le juge des tutelles avait la possibilité de déroger au principe d’un renouvellement de la mesure tous les cinq ans sans qu’il soit lié par une durée maximale.

B. Les modalités de renouvellement de la mesure

Auteur de la demande de renouvellement ou de levée de la mesure. « [le juge des tutelles] statue d'office ou à la requête d'une des personnes mentionnées à l'article 430 [c’est-à-dire son éventuel conjoint, partenaire avec qui il aurait conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, ses parents ou alliés, les personnes entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique], au vu d'un certificat médical et dans les conditions prévues à l'article 432 [la personne entendue ou appelée, accompagnée par un avocat ou toute autre personne de son choix]. Il ne peut toutefois renforcer le régime de protection de l'intéressé que s'il est saisi d'une requête en ce sens satisfaisant aux articles 430 et 431 [demande formulée par une personne habilitée à demander l’ouverture d’une tutelle ou d’une curatelle avec production d’un certificat médical établi par un médecin spécialiste inscrit sur la liste tenue par le procureur de la République] » (article 442 du code civil).

Certificat médical. Dans le cas où le renouvellement de la mesure ne donne pas lieu à son renforcement (par exemple une curatelle renouvelée), l’article 442 du code civil ne comporte pas l’exigence que le certificat médical soit produit par un médecin spécialiste inscrit sur la liste tenue par le procureur de la République. Au contraire, dans le cas d’un renforcement (substitution d’une tutelle à la curatelle lors du renouvellement), la production d’un certificat médical par un médecin inscrit sur cette liste est obligatoire.

Audition de la personne visée par la mesure. L’article 442 du code civil renvoie aux règles d’audition prévues s’agissant de l’ouverture de la mesure de tutelle ou de curatelle : la personne est en principe entendue mais le juge des tutelles peut « par décision spécialement motivée et sur avis d'un médecin inscrit sur la liste [établie par le procureur de la République], décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'audition de l'intéressé si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté » (article 432 du code civil).

IV. La fin de la mesure de tutelle

Les situations induisant la fin de la mesure de tutelle prévues par la loi.

« Le juge peut, à tout moment, mettre fin à la mesure, la modifier ou lui substituer une autre mesure prévue au présent titre [mesure de protection juridique, incluant l’habilitation familiale], après avoir recueilli l'avis de la personne chargée de la mesure de protection.
Il statue d'office ou à la requête d'une des personnes mentionnées à l'article 430 [personne pouvant formuler une demande de tutelle ou de curatelle], au vu d'un certificat médical et dans les conditions prévues à l'article 432. Il ne peut toutefois renforcer le régime de protection de l'intéressé que s'il est saisi d'une requête en ce sens satisfaisant aux articles 430 et 431 » (article 442 du code civil).

« La mesure prend fin, en l'absence de renouvellement, à l'expiration du délai fixé, en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ou en cas de décès de l'intéressé.
Sans préjudice des articles 3 et 15, le juge peut également y mettre fin lorsque la personne protégée réside hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure » (article 443 du code civil).

Etablissement d’un compte de gestion en fin de mission. « Lorsque sa mission prend fin pour quelque cause que ce soit, le tuteur établit un compte de gestion des opérations intervenues depuis l'établissement du dernier compte et le soumet à la vérification et à l'approbation prévues aux articles 511 à 513-1.
En outre, dans les trois mois qui suivent la fin de sa mission, le tuteur ou ses héritiers s'il est décédé remettent une copie des cinq derniers comptes de gestion et du compte mentionné au premier alinéa du présent article, selon le cas, à la personne devenue capable si elle n'en a pas déjà été destinataire, à la personne nouvellement chargée de la mesure de gestion ou aux héritiers de la personne protégée.
Les alinéas précédents ne sont pas applicables dans le cas prévu à l'article 513 [dispense d’établissement d’un compte de gestion].
Dans tous les cas, le tuteur remet aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article les pièces nécessaires pour continuer la gestion ou assurer la liquidation de la succession, ainsi que l'inventaire initial et les actualisations auxquelles il a donné lieu » (article 514 du code civil).