4.2. L’habilitation familiale

Les informations ci-après figurent sous la forme d’un tableau dans la version pdf de la présente fiche.

 

Demandeur

  • La personne qu’il y a lieu de protéger
  • Un ascendant
  • Un descendant
  • Les frères et sœurs
  • Le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin
  • Le procureur de la République à la demande de l’une d’elles

Personne(s) pouvant être désignée(s)

  • Un ascendant
  • Un descendant
  • Un frère ou une soeur
  • Le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin

Destinataire

  • Juge des tutelles

Condition(s) à vérifier

  • Lorsqu'une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté

Contenu de la demande (éléments impératifs)

  • Demande formulée par le procureur de la République saisi par une personne autre qu’un membre de l’entourage de la personne à protéger
    • Le certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République
    • L'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection au regard de l’article 494-1 du code civil (cf. colonne « conditions à vérifier »)
    • Les informations dont cette personne dispose sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger et l’évaluation de son autonomie ainsi que, le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle. La nature et les modalités de recueil des informations sont définies par voie réglementaire. Le procureur de la République peut solliciter du tiers qui l’a saisi des informations complémentaires
  • Autres demandeurs
    • Le certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République
    • L'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection au regard de l’article 494-1 du code civil (cf. colonne « conditions à vérifier »)

 

L’habilitation familiale. En résumé… Il s’agit d’un « mandat judiciaire familial » créé par l’ordonnance du 15 octobre 2015. Il permet aux proches d’une personne hors d’état de manifester sa volonté de la représenter ou, depuis la loi du 23 mars 2019, de l’assister, lorsqu’ils sont en mesure de pourvoir seuls à ses intérêts, sans avoir à se soumettre à l’ensemble du formalisme des mesures de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.

Ce nouveau dispositif a vocation à s’appliquer aux situations familiales consensuelles où chacun s’accorde sur le choix d’un proche pour représenter ou assister la personne en situation de vulnérabilité. Le juge, après vérification médicale que la personne concernée est effectivement hors d’état de manifester sa volonté, pourra, s’il estime que tel est effectivement l’intérêt de la personne, confier un mandat au proche désigné par le consensus familial, visant à représenter l’intéressé pour un acte précis, à le représenter de manière générale tant pour des actes patrimoniaux que pour des actes affectant la sphère personnelle ou à l’assister. Une fois l’habilitation accordée, le juge des tutelles n’a plus vocation, sauf difficultés, à intervenir. Il n’est prévu une durée déterminée de l’habilitation et une mesure de publicité qu’en cas d’habilitation générale. Si le conjoint avait été initialement exclu, la loi du 18 novembre 2016 l’a inclus dans ce nouveau dispositif de protection.

I. Les caractéristiques de l’habilitation familiale

A. Causes motivant sa mise en place

Texte de référence. « Lorsqu'une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » (article 494-1 du code civil).

Elargissement des causes motivant la mise en place d’une habilitation familiale par la loi du 23 mars 2019. « La loi du 23 mars 2019 aligne les cas de prononcé de l’habilitation familiale sur le régime des autres mesures de protection juridique. La réforme remplace la référence aux personnes « hors d’état de manifester leur volonté », qui peut laisser penser que la mesure n’a vocation à s’appliquer que dans de rares hypothèses, par l’expression consacrée aux mesures de protection judiciaire (tutelle, curatelle, etc.), qui vise les personnes dans l’impossibilité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, de leurs facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté.

Cette clarification, souhaitée par l’ensemble des acteurs de la protection des majeurs et en particulier les notaires, permet de dissiper les incertitudes sur le contenu exact des causes d’ouverture de l’habilitation familiale et de tenir compte de l’élargissement de l’habilitation familiale aux cas d’assistance, l’expression « hors d’état de manifester sa volonté » étant plus évocatrice de la représentation que de l’assistance » (Assemblée nationale, Rapport n° 1548 et 1549 du 19 décembre 2018, p. 175).

B. Personnes pouvant être désignée « habilité familial »

Texte de référence. Il peut s’agir d’« une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin » (article 494-1 alinéa 1er du code civil).

Analyse.

Personnes relevant des « descendants » et des « ascendants ». Ce sont les personnes qui descendent directement d'une autre, soit au premier degré (enfant), soit à un degré plus éloigné (petit-enfant, arrière-petit-enfant). Une même analyse peut être retenue au sujet de la définition de l’ascendant (premier degré : parent, degré plus éloigné : grand-parent…).

« Co-habilitation ». Le dispositif légal n’exclut pas la désignation de plusieurs habilités familiaux. Il revient au juge des tutelles d’en apprécier l’opportunité.

C. Gratuité de la mission

« La personne habilitée doit remplir les conditions pour exercer les charges tutélaires. Elle exerce sa mission à titre gratuit » (article 494-1 alinéa 2 du code civil).

D. Nécessité d’une absence d’opposition au sein des membres de sa famille

« Le juge s’assure de l’adhésion ou, à défaut, de l’absence d’opposition légitime à la mesure d’habilitation et au choix de la personne habilitée des proches mentionnés à l’article 494-1 [ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin] qui entretiennent des liens étroits et stables avec la personne ou qui manifestent de l’intérêt à son égard et dont il connaît l’existence au moment où il statue » (article 494-4 alinéa 2 du code civil).

II. Les modalités d’ouverture d’une mesure d’habilitation familiale

A. Formulation de la demande d’habilitation

  1. Auteur possible de la demande

Texte de référence. « La demande aux fins de désignation d'une personne habilitée peut être présentée au juge par la personne qu’il y a lieu de protéger, par l'une des personnes mentionnées à l'article 494-1 ou par le procureur de la République à la demande de l'une d'elles » (article 494-3 du code civil).

Possibilité pour la personne à protéger de saisir le juge d’une demande d’habilitation familiale depuis la loi du 23 mars 2019. Le dispositif initial ne prévoyait pas cette possibilité. La loi du 23 mars 2019 a introduit celle-ci en cohérence avec le cadre légal applicable aux mesures de protection judiciaire (demande présentée au juge des tutelles dont l’objet est l’ouverture d’une tutelle, d’une curatelle ou d’une sauvegarde de justice).

  1. Contenu de la requête lors d’une demande d’habilitation familiale

Texte de référence. « La demande est introduite, instruite et jugée conformément aux règles du code de procédure civile et dans le respect des dispositions des articles 429 et 431.

La désignation d'une personne habilitée est également possible à l'issue de l'instruction d'une requête aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire ou lorsque, en application du troisième alinéa de l'article 442, le juge des tutelles substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle » (article 494-3 alinéas 2 et 3 du code civil).

Une procédure unique devant le juge des tutelles lui permettant de prononcer une mesure de protection judiciaire ou une habilitation familiale. Des ajustements des règles de procédures, énoncées dans le code de procédure civile, ont été opérés par le décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019.

Le décret du 22 juillet 2019 « adapte les procédures de protection juridique des majeurs en introduisant une procédure unique devant le juge des tutelles, lui permettant de prononcer une mesure de protection judiciaire ou une habilitation familiale et de rendre pleinement effectif le principe de subsidiarité prévu à l’article 428 du code civil » (notice figurant en début du décret du 22 juillet 2019).

Informations ou documents à joindre à la requête présentée au juge des tutelles.

- « La requête aux fins de prononcé d'une mesure de protection d'un majeur comporte, à peine d'irrecevabilité :

1° Le certificat médical circonstancié prévu à l'article 431 du code civil ;

2° L'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection au regard des articles 428 et 494-1 du même code » (article 1218 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 22 juillet 2019).

- « La requête aux fins de protection d’un majeur prévue à l'article 1218 mentionne également les personnes appartenant à l'entourage du majeur à protéger énumérées au premier alinéa de l'article 430 et à l’article 494-1 du code civil ainsi que le nom de son médecin traitant, si son existence est connue du requérant. Celui-ci précise, dans la mesure du possible, les éléments concernant la situation familiale, sociale, financière et patrimoniale du majeur, ainsi que tout autre élément, relatif notamment à son autonomie.

Le greffier avise le procureur de la République de la procédure engagée, sauf lorsque ce dernier est le requérant » (article 1218-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 22 juillet 2019).

Exigences spécifiques dans l’hypothèse d’une demande formulée par le procureur de la République, saisi par une personne autre qu’un membre de l’entourage de la personne à protéger.

Texte de référence. « Lorsque le procureur de la République est saisi par une personne autre que l’une de celles de l’entourage du majeur énumérées au premier alinéa de l’article 430, la requête transmise au juge des tutelles comporte en outre, à peine d’irrecevabilité, les informations dont cette personne dispose sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger et l’évaluation de son autonomie ainsi que, le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle. La nature et les modalités de recueil des informations sont définies par voie réglementaire. Le procureur de la République peut solliciter du tiers qui l’a saisi des informations complémentaires » (article 431 alinéa 3 du code civil).

Exigence introduite par la loi du 23 mars 2019. La modification opérée par ce texte a visé à « permettre au procureur de la République et au juge [des tutelles] de définir au mieux la mesure la plus adaptée pour s’assurer du réel besoin de protection du majeur. Toute saisine du juge par le parquet dans les suites d’une alerte d’un service médical, social ou médico-social [doit désormais] être impérativement accompagnée, outre le certificat médical [établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République], d’une évaluation sociale et financière et d’une évaluation des solutions d’accompagnement de l’intéressé au regard des solutions de soutien déjà existantes » (Assemblée nationale, Rapport du 9 novembre 2018, p. 99).

Informations à communiquer au procureur de la République. La circulaire du ministère de la justice du 25 mars 2019 indique que « l’article 9-I-4° institue une évaluation sociale pluridisciplinaire de la situation du majeur à protéger en cas de saisine du procureur, hors les cas de saisine familiale. La nature et les modalités de recueil des informations ont été précisées par le décret n° 2019-1464 du 26 décembre 2019.

Ces informations sont: 

L’identité de la personne à protéger et la description des faits appelant la protection au sens de l’article 428 du code civil (Article 1216-1 du code de procédure civile)

Lorsqu’elles sont connues et utiles, les informations suivantes, en précisant comment elles ont été recueillies (article 1216-2 du code de procédure civile) :

  • la composition de la famille de la personne à protéger, ses conditions de vie, son lieu de vie et son environnement social ;
  • la consistance de son patrimoine, les ressources, les charges et dettes ainsi que, le cas échéant, la liste des prestations mobilisables au bénéfice de la personne ;
  • l’autonomie de la personne, évaluée au regard de sa capacité à s’organiser seule dans la vie quotidienne, à accomplir ses démarches administratives et gérer son budget, seule.

Le cas échéant, les responsables de ces établissements et services [services départementaux et communaux d’action sociale, maisons départementales des personnes handicapées, les institutions mettant en œuvre la méthode MAIA, les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les établissements de santé] précisent quelles actions sont menées et envisagées dans l’intérêt de la personne qu’il y a lieu de protéger (article 1216-3 du code de procédure civile).

Personnes soumises à l’obligation de transmettre les informations figurant aux articles 1216-1 et 1216-2 du code de procédure civile. « Les services départementaux et communaux d’action sociale, les maisons départementales des personnes handicapées, les institutions mettant en œuvre la méthode mentionnée à l’article L. 113-3 du code de l’action sociale et des familles [MAIA], les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les établissements de santé sont tenus de transmettre au procureur de la République les informations mentionnées aux articles 1216-1 et 1216-2.

Le cas échéant, les responsables de ces établissements et services précisent quelles actions sont menées et envisagées dans l’intérêt de la personne qu’il y a lieu de protéger » (article 1216-3 du code de procédure civile).

A noter : en février 2023, l’article 1216-3 du code de procédure civile n’a pas été encore actualisé. Il fait toujours référence aux « institutions mettant en œuvre la méthode mentionnée à l’article L. 113-3 du code de l’action sociale et des familles [MAIA] », alors que le dispositif a été supprimé (abrogation de l’article L. 113-3 du CASF).

  1. Formulaire

Le demandeur doit compléter le document CERFA n° 15891*03, intitulé « requête en vue d’une protection juridique d’un majeur (habilitation familiale ou protection judiciaire) ». Ce formulaire est accompagné d’une notice dont il convient de prendre connaissance avant de compléter celui-ci.

  1. Destinataire de la requête

« Hors les cas prévus aux articles 390, 391, 442, 485 et au troisième alinéa de l'article 494-3 du code civil, le juge est saisi par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction de première instance » (article 1217 du code de procédure civile).

B. Instruction de la demande par le juge des tutelles

Unification des règles de procédure. Les dispositions spécifiques à l’habilitation familiale du code de procédure civile ont été supprimées par le décret du 22 juillet 2019.

« [Le décret] vient créer une procédure unique devant le juge des tutelles afin de faciliter le traitement procédural des requêtes aux fins de protection des majeurs et d’en unifier le régime. L’instauration d’une procédure unique permettra au juge de mettre en œuvre les principes de subsidiarité, de proportionnalité et d’individualisation de la mesure prononcée à l’égard du majeur » (circulaire du ministère de la justice du 25 mars 2019).

Audition de la personne à protéger. « La personne à l’égard de qui l’habilitation est demandée est entendue ou appelée selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article 432 [le juge statue, la personne entendue ou appelée. L'intéressé peut être accompagné par un avocat ou, sous réserve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix]. Toutefois, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis du médecin mentionné à l’article 431 [médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République], décider qu’il n’y a pas lieu de procéder à son audition si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou si la personne est hors d’état de s’exprimer » (article 494-4 du code civil).

C. Décision du juge des tutelles

Texte de référence. « Le juge statue sur le choix de la personne habilitée et l'étendue de l'habilitation en s'assurant que le dispositif projeté est conforme aux intérêts patrimoniaux et, le cas échéant, personnels de l'intéressé » (article 494-5 alinéa 1er du code civil).

« Passerelles » entre l’habilitation familiale et les mesures de protection judiciaire, introduites par la loi du 23 mars 2019.

- Prononcé d’une mesure de protection judiciaire (tutelle ou curatelle) dans l’hypothèse où le juge est saisi d’une demande d’habilitation familiale. « Si l’habilitation familiale sollicitée ne permet pas d’assurer une protection suffisante, le juge peut ordonner une des mesures de protection judiciaire mentionnées aux sections 3 et 4 du présent chapitre [sauvegarde de justice, tutelle ou curatelle] » (article 494-5 alinéa 2 du code civil).

- Prononcé d’une habilitation familiale dans l’hypothèse où le juge est saisi d’une demande de protection judiciaire (tutelle ou curatelle). « La désignation d’une personne habilitée est également possible à l’issue de l’instruction d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire ou lorsque, en application du troisième alinéa de l’article 442, le juge des tutelles substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle » (article 494-3 alinéa 3 du code civil, alinéa introduit par la loi du 23 mars 2019).

Délai maximal au terme duquel le juge des tutelles doit avoir rendu sa décision. « La requête aux fins de protection d'un majeur est caduque si le juge des tutelles ne s'est pas prononcé sur celle-ci dans l'année où il en a été saisi » (article 1227 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 22 juillet 2019).

Notification de la décision du juge des tutelles.

Personnes à qui la décision du juge des tutelles est notifiée. « Toute décision du juge est notifiée, à la diligence du greffe, au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l'administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations résultant de la mesure de protection […] » (article 1230 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 23 février 2016).

Modalités de la ou des notifications. « Les notifications qui doivent être faites à la diligence du greffe le sont par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; le juge peut, toutefois, décider qu'elles seront faites par acte d'huissier de justice.

La délivrance d'une copie certifiée conforme d'une décision du juge ou d'une délibération du conseil de famille, par le greffe contre récépissé daté et signé, vaut notification dès lors que les voies de recours et les sanctions encourues pour recours abusif sont portées à la connaissance de l'intéressé » (article 1231 du code de procédure civile).

Notification à la personne protégée. « Le jugement qui statue sur une demande d'ouverture d'une protection ou ordonnant l'habilitation familiale d'un majeur est notifié à la personne protégée elle-même ; avis en est donné au procureur de la République.

Toutefois, le juge peut, par décision spécialement motivée, décider qu'il n'y a pas lieu de notifier le jugement prononçant l'ouverture de la mesure de protection au majeur protégé si cette information est de nature à porter préjudice à sa santé. Dans ce cas, la notification en est faite à son avocat, s'il en a constitué un, ainsi qu'à la personne que le juge estime la plus qualifiée pour recevoir cette notification.

Le jugement peut être notifié, si le juge l'estime utile, aux personnes qu'il désigne parmi celles que la loi habilite à exercer un recours » (article 1230-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).

Publicité de la décision du juge des tutelles.

Texte de référence. Elle n’est prévue que pour l’habilitation générale.

« Les jugements accordant, modifiant ou renouvelant une habilitation générale font l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance selon les conditions prévues à l’article 444*. Il en est de même lorsqu’il est mis fin à l’habilitation pour l’une des causes prévues à l’article 494-11 » (article 494-6 du code civil).

* Opposabilité des jugements deux mois en principe après la mention sur l’acte de naissance. « Les jugements portant ouverture, modification ou mainlevée de la curatelle ou de la tutelle ne sont opposables aux tiers que deux mois après que la mention en a été portée en marge de l'acte de naissance de la personne protégée selon les modalités prévues par le code de procédure civile.

Toutefois, même en l'absence de cette mention, ils sont opposables aux tiers qui en ont personnellement connaissance » (article 444 du code civil).

D. Appel de la décision du juge des tutelles

Appel possible des décisions du juge des tutelles. « Sauf disposition contraire, les décisions du juge des tutelles et les délibérations du conseil de famille sont susceptibles d'appel.

Sans préjudice des dispositions prévues par les articles 1239-1 à 1239-3, l'appel est ouvert aux personnes énumérées aux articles 430 et 494-1 du code civil, même si elles ne sont pas intervenues à l'instance » (article 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).

Hypothèse d’une décision du juge des tutelles refusant l’ouverture d’une mesure de protection. « L'appel contre le jugement qui refuse de prononcer une mesure de protection à l'égard d'un majeur n'est ouvert qu'au requérant » (article 1239-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).

Au contraire, dans le cas d’une délibération du conseil de famille, l’article 1239-3 du code de procédure civile énonce que « sans préjudice des dispositions prévues par l'article 1239-1, l'appel contre une délibération du conseil de famille est ouvert à tous ses membres et au juge des tutelles, quel qu'ait été leur avis lors de la délibération ».

Délai de l’appel. « Le délai d'appel est de quinze jours » (article 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).

« Le délai d'appel contre les jugements statuant sur une mesure de protection à l'égard d'un majeur court :

1° A l'égard du majeur protégé, à compter de la notification prévue à l'article 1230-1 ;

2° A l'égard des personnes à qui le jugement doit être notifié, à compter de cette notification ;

3° A l'égard des autres personnes, à compter du jugement » (article 1241 du code de procédure civile).

Avocat non obligatoire. « Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat » (article 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction modifiée par le décret du 22 juillet 2019).

Modalités de l’appel. « L'appel est formé par déclaration faite ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe de la juridiction de première instance.

Le greffier enregistre l'appel à sa date ; il délivre ou adresse par lettre simple, récépissé de la déclaration.

Il transmet sans délai une copie du dossier à la cour » (article 1242 du code de procédure civile).

III. Les effets d’une mesure d’habilitation familiale

La décision du juge des tutelles précise le champ de l’habilitation. « Le juge statue sur le choix de la personne habilitée et l’étendue de l’habilitation en s’assurant que le dispositif projeté est conforme aux intérêts patrimoniaux et, le cas échéant, personnels de l’intéressé » (article 494-5 du code civil).

Une mesure d’assistance ou de représentation.

A. Représentation de la personne

Une habilitation générale ou portant sur un ou plusieurs actes. « L’habilitation peut porter sur :  

- un ou plusieurs des actes que le tuteur a le pouvoir d’accomplir, seul ou avec une autorisation, sur les biens de l’intéressé ;

- un ou plusieurs actes relatifs à la personne à protéger. Dans ce cas, l’habilitation s’exerce dans le respect des dispositions des articles 457-1 à 459-2 du code civil [effets des mesures de tutelle et de curatelle s’agissant de la protection de la personne].

La personne habilitée ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit qu’avec l’autorisation du juge des tutelles » (article 494-6 du code civil).

Habilitation générale. « Si l’intérêt de la personne à protéger l’implique, le juge peut délivrer une habilitation générale portant sur l’ensemble des actes ou l’une des deux catégories d’actes mentionnés aux deuxième et troisième alinéas [actes portant sur les biens ou relatif à la personne].

La personne habilitée dans le cadre d’une habilitation générale ne peut accomplir un acte pour lequel elle serait en opposition d’intérêts avec la personne protégée. Toutefois, à titre exceptionnel et lorsque l’intérêt de celle-ci l’impose, le juge peut autoriser la personne habilitée à accomplir cet acte » (article 494-6 du code civil).

Actes pouvant être accomplis sans autorisation du juge. « La personne habilitée peut, sauf décision contraire du juge, procéder sans autorisation aux actes mentionnés au premier alinéa de l’article 427 [modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée, ouverture d'un autre compte ou livret auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public] » (article 494-7 du code civil).

Maintien de la possibilité pour la personne d’exercer ses droits non confiés au membre de la famille habilité. « La personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée conserve l'exercice de ses droits autres que ceux dont l'exercice a été confié à la personne habilitée à la représenter en application de la présente section.

Toutefois, elle ne peut, en cas d'habilitation générale à la représenter, conclure un mandat de protection future pendant la durée de l'habilitation » (article 494-8 du code civil).

Nullité des actes passés par la personne confiés à un membre de sa famille. « Si la personne à l’égard de qui l’habilitation a été délivrée passe seule un acte dont l’accomplissement a été confié à la personne habilitée, celui-ci est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice » (article 494-9 alinéa 1er du code civil).

Actes passés dans le délai de deux ans avant la décision du juge des tutelles. « Les obligations résultant des actes accomplis par une personne à l’égard de qui une mesure d’habilitation familiale a été prononcée moins de deux ans avant le jugement délivrant l’habilitation peuvent être réduits ou annulés dans les conditions prévues à l’article 464 [du code civil].

La personne habilitée peut, avec l’autorisation du juge des tutelles, engager seule l’action en nullité ou en réduction prévue aux alinéas ci-dessus [nullité des actes passés pendant la mesure et dans le délai de deux ans avant la mesure] » (article 494-9 du code civil).

Nullité des actes passés en dehors du champ de l’habilitation. « Si la personne habilitée accomplit seule, en cette qualité, un acte n’entrant pas dans le champ de l’habilitation qui lui a été délivrée ou qui ne pouvait être accompli qu’avec l’autorisation du juge, l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.

Dans tous les cas, l’action en nullité ou en réduction est exercée dans le délai de cinq ans prévu à l’article 2224.

Pendant ce délai et tant que la mesure d’habilitation est en cours, l’acte contesté peut être confirmé avec l’autorisation du juge des tutelles » (article 494-9 du code civil).

Difficultés dans la mise en œuvre du dispositif.

Texte de référence. « Le juge statue à la demande de tout intéressé ou du procureur de la République sur les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en œuvre du dispositif.

Saisi à cette fin dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 494-3 [conditions d’une demande d’habilitation familiale : saisine par la personne elle-même, par une personne pouvant demander l’ouverture d’une habilitation familiale ou par le procureur de la République saisi par l’une d’elles], le juge peut, à tout moment, modifier l'étendue de l'habilitation ou y mettre fin, après avoir entendu ou appelé la personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 494-4 ainsi que la personne habilitée » (article 494-10 du code civil).

Modifications opérées par la loi du 23 mars 2019. La saisine du juge des tutelles peut être effectuée par tout « intéressé », terme que la loi du 23 mars 2019 a substitué à la liste des personnes pouvant être auteur d’une demande d’habilitation familiale (conjoint, concubin, partenaire dans le cadre d’un PACS, ascendant, descendant, frère ou sœur, la personne elle-même et le procureur de la République). Cette substitution vise manifestement à alléger la formulation sans en modifier la portée.

B. Assistance de la personne

Texte de référence. « […] le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter , à l’assister dans les conditions prévues à l’article 467 [c’est-à-dire celles applicables à la curatelle] […] » (article 494-1 du code civil).

Objet de la loi du 23 mars 2019. « L’ouverture de l’habilitation familiale aux situations pour lesquelles un besoin d’assistance est identifié a été proposée par le Défenseur des droits, Jacques Toubon : « étendre la mesure d’habilitation familiale aux majeurs ayant besoin d’une assistance temporaire dans la gestion de leur patrimoine » (Défenseur des droits, Protection juridique des majeurs vulnérables, septembre 2016, proposition n° 20).

La réforme du 23 mars 2019 ouvre donc l’habilitation familiale aux hypothèses d’assistance, qui se matérialise par l’apposition de la signature de la personne habilitée au côté de celle du majeur protégé lors de la conclusion d’actes écrits.

L’habilitation familiale devient donc « une mesure graduée sur le terrain non plus seulement de l’étendue de la mission de la personne habilitée mais aussi de sa nature » (Assemblée nationale, Rapport n° 1548 et 1549 du 19 décembre 2018, p. 175).

Effets de l’habilitation familiale consistant en une assistance. Les effets sont ceux de la curatelle : « la personne […] ne peut, sans l'assistance [de l’habilité familial], faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

Lors de la conclusion d'un acte écrit, l'assistance [de l’habilité familial] se manifeste par l'apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée.

A peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l'est également [à l’habilité familial] » (article 467 du code civil, adapté à l’habilitation familiale).

Annulation de l’acte passé par la personne protégée. « Si elle accomplit seule un acte dont l'accomplissement nécessitait une assistance de la personne habilitée, l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice » (article 494-9 alinéa 2 du code civil).

IV. La durée de validité de la décision d’habilitation familiale

Durée de validité de la première décision d’habilitation familiale (habilitation générale). « En cas d'habilitation générale, le juge fixe une durée au dispositif sans que celle-ci puisse excéder dix ans » (article 494-6 du code civil).

Durée de validité d’une décision renouvelant l’habilitation familiale (habilitation générale). « Statuant sur requête de l'une des personnes mentionnées à l'article 494-1 ou du procureur de la République saisi à la demande de l'une d'elles, il peut renouveler l'habilitation lorsque les conditions prévues aux articles 431 et 494-5 sont remplies. Le renouvellement peut-être prononcé pour la même durée [soit dix ans] ; toutefois, lorsque l'altération des facultés personnelles de la personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin mentionné à l'article 431 [médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République], renouveler le dispositif pour une durée plus longue qu'il détermine, n'excédant pas vingt ans » (article 494-6 du code civil).

V. Le renouvellement de la mesure d’habilitation familiale

Auteur possible de la demande de renouvellement. « En cas d'habilitation générale […] statuant sur requête de l'une des personnes mentionnées à l'article 494-1 [personne protégée, ascendants, descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin] ou du procureur de la République saisi à la demande de l'une d'elles, il peut renouveler l'habilitation […] » (article 494-6 du code civil).

Conditions à vérifier. « [Le juge des tutelles] peut renouveler l’habilitation lorsque les conditions prévues aux articles 431 [certificat médical rédigé par un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République] et 494-5 [choix de la personne et étendue de l’habilitation conformes aux intérêts patrimoniaux et personnels de l’intéressé] sont remplies » (article 494-6 du code civil).

VI. Le terme de l’habilitation familiale

« Outre le décès de la personne à l'égard de qui l'habilitation familiale a été délivrée, celle-ci prend fin :

1° Par le placement de l'intéressé sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle ;

2° En cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée prononcé par le juge à la demande de la personne protégée, de l'une des personnes mentionnées à l'article 494-1 ou du procureur de la République, lorsqu'il s'avère que les conditions prévues à cet article ne sont plus réunies ou lorsque l'exécution de l'habilitation familiale est de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne protégée ;

3° De plein droit en l'absence de renouvellement à l'expiration du délai fixé ;

4° Après l'accomplissement des actes pour lesquels l'habilitation avait été délivrée » (article 494-11 du code civil).