I. Les perquisitions
A. Définition
La perquisition est une mesure d’enquête visant à rechercher des éléments de preuve d’une infraction au domicile d’une personne, physique ou morale, comme, par exemple, un cabinet médical, les locaux d’une administration ou d’une association.
La perquisition peut intervenir dans plusieurs cadres :
- Dans le cadre d’une enquête préliminaire, la perquisition n’est pas coercitive. Il faut donc, sauf disposition dérogatoire, le consentement de la personne perquisitionnée avant toute intervention.
- Dans le cadre d’une enquête de flagrance, la perquisition peut se faire sans l’accord de la personne visée. Le contexte de l’infraction flagrante conduit l’autorité de police à rechercher les preuves et tout indice. Son action doit s’exercer sans délai.
- Dans le cadre de l’instruction par une commission rogatoire, l’officier de police judiciaire intervient alors à la demande du juge d’instruction. Il est chargé d’effectuer toutes les mesures utiles à la manifestation de la vérité. Le consentement de l’intéressé n’est pas obligatoire. Le juge d’instruction peut procéder lui-même à la perquisition. Il informera le procureur de la République qui a la faculté de l’accompagner.
B. Conditions
La possibilité pour la personne de s’opposer à une perquisition dépend du cadre juridique dans lequel celle-ci s’inscrit.
- Hypothèse n° 1. Dans le cadre d’une enquête préliminaire
Opposition possible du professionnel chez qui la perquisition ou la saisie a lieu. « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu.
Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment » (article 76 du code de procédure pénale).
Exception : décision du juge des libertés et de la détention dans le cas où l’enquête concerne un crime ou un délit d’une durée égale ou supérieure à trois ans. « Si les nécessités de l'enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à trois ans l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal le justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. A peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention précise la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées ; cette décision est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou la saisie des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal. Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes » (article 76 du code de procédure pénale, dans sa rédaction modifiée par la loi du 23 mars 2019 et par l’ordonnance du 18 septembre 2019).
- Hypothèse n° 2. Dans le contexte d’une infraction flagrante
Définition. « Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit » (article 53 du code de procédure pénale).
Absence nécessaire d’accord de la personne chez qui la perquisition a lieu. « A la différence de ce qui se passe dans le cas de l'enquête préliminaire, les actes accomplis dans ce cadre par la police présentent un caractère coercitif : les témoins doivent déposer, nul obstacle ne peut être mis aux saisies et aux perquisitions » (Lettre ministérielle du 2 juin 1998).
Intervention d’un officier de police judiciaire avec ou sans réquisition. « En matière de flagrance, la police judiciaire démarre d'office l'enquête, dès qu'elle est alertée de la commission d'un fait délictueux. Dans cette hypothèse, les enquêteurs ne sont pas requis d'agir par le parquet. Dès lors, le plus souvent, ils ne peuvent produire aucune réquisition établie par le ministère public lorsqu'ils se présentent […] » (Lettre ministérielle du 2 juin 1998).
Cas spécifique d’une perquisition dans le cabinet d’un médecin. « Les perquisitions dans le cabinet d'un médecin […] sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'ordre ou de l'organisation professionnelle à laquelle appartient l'intéressé ou de son représentant » (article 56-3 du code de procédure pénale).
Accès et copie de fichiers informatiques. « Les officiers de police judiciaire ou, sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire peuvent, au cours d'une perquisition effectuée dans les conditions prévues par le présent code, accéder par un système informatique implanté sur les lieux où se déroule la perquisition à des données intéressant l'enquête en cours et stockées dans ledit système ou dans un autre système informatique, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial.
[…] Les données auxquelles il aura été permis d'accéder dans les conditions prévues par le présent article peuvent être copiées sur tout support. Les supports de stockage informatique peuvent être saisis et placés sous scellés dans les conditions prévues par le présent code.
Les officiers de police judiciaire ou, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire peuvent, par tout moyen, requérir toute personne susceptible :
1° D'avoir connaissance des mesures appliquées pour protéger les données auxquelles il est permis d'accéder dans le cadre de la perquisition ;
2° De leur remettre les informations permettant d'accéder aux données mentionnées au 1°.
A l'exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5 [médecin, avocat, notaire, entreprise de presse, locaux d’une juridiction ou domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles], le fait de s'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d'une amende de 3 750 € » (article 57-1 du code de procédure pénale, rédaction de l’article modifié par la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 mais n’impactant pas la partie de l’article énoncé).
- Hypothèse n° 3. Dans le contexte d’une instruction
Absence nécessaire d’accord de la personne chez qui la perquisition a lieu. « Agissant ainsi sur délégation des juridictions d'instruction et déférant à leurs réquisitions, les officiers de police judiciaire disposent de pouvoirs coercitifs, à l'égal des magistrats instructeurs. Ils peuvent, sans aucun obstacle, […] procéder au sein de l'hôpital à des perquisitions » (Lettre ministérielle du 2 juin 1998).
Intervention des officiers de police judiciaire avec obligation de présenter la commission rogatoire. « Les officiers de police qui se présentent ainsi à l'hôpital n'établissent pas obligatoirement de réquisition pour agir. Certes, il arrive qu'il en soit ainsi. Mais il arrive aussi qu'ils soient simplement munis de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction. Ce document fait partie du dossier pénal et ne peut jamais être remis à l'hôpital. Toutefois, il est possible d'en demander lecture et de relever les références de la commission : nom du juge, numéro de la commission rogatoire, nom de la personne contre qui l'information est suivie » (Lettre ministérielle du 2 juin 1998).
II. Les saisies
A. La saisie d’un dossier médical ou d’un dossier individuel intégrant des données produites par un médecin
- Conditions
L’accord du médecin. Quel que soit le contexte de la demande de communication de documents médicaux, qu’elle soit formulée au cours d’une enquête préliminaire, lors d’une enquête de flagrance ou dans le cadre d’une instruction, la saisie d’un dossier médical est soumise à la condition de l’obtention préalable de l’accord du médecin (pour les enquêtes préliminaires, voir l’article 77-1-1 du code de procédure pénale ; pour les enquêtes de flagrance, voir l’article 60-1 du même code ; pour les instructions, voir l’article 99-3 du même code).
Cet accord ne semble pas devoir être motivé puisque aucune disposition ne l’exige. Toutefois, le principe de l’accord préalable du médecin ne doit pas constituer un obstacle illégitime à la procédure pénale. Ainsi, lorsque le médecin est mis en cause, la Cour de cassation considère qu’une perquisition demeure envisageable sous réserve qu’elle ait pour objet d’établir la preuve de la participation du médecin en cause à une infraction, en application de l’article 56-3 du code de procédure pénale.
Exception du « motif légitime ». Quel que soit le contexte de la demande, les documents doivent être remis « sans que puisse être opposée [à l’autorité judiciaire], sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel » (articles 77-1-1, 60-1 et 99-3 du code de procédure pénale).
Le motif légitime faisant obstacle à la saisie pourrait être invoqué, par exemple, lorsque les documents demandés n’ont manifestement pas de lien avec l’enquête ou l’instruction. Tel pourrait être le cas dans l’hypothèse d’une saisie portant sur des dossiers multiples à l’occasion d’une saisie d’un disque dur d’ordinateur.
- Modalités
Vérifier l’identité de l’officier de police judiciaire effectuant la saisie. Cette formalité peut être accomplie par la communication d’une pièce d’identité.
La production par l’officier de police judiciaire d’un document consistant en un acte de mandatement est obligatoire dans le seul cas où la saisie intervient dans le cadre d’une instruction. Si la demande est formulée au cours d’une instruction, l’officier de police judiciaire est commis par le juge d’instruction, au titre de l’article 99-3 du code de procédure pénale. Il doit pouvoir produire la commission rogatoire établie à son bénéfice par le juge, en application de l’article 151 du code de procédure pénale. La commission rogatoire indique la nature de l'infraction, objet des poursuites. Elle est datée et signée par le magistrat qui la délivre et revêtue de son sceau.
Dans le cas d’une enquête préliminaire la production d’un document constitutif d’un acte de mandatement établi par le procureur de la République est facultative. La réquisition du procureur de la République n’est pas assujettie à des conditions de forme de sorte qu’il suffit, au regard de la jurisprudence actuelle de la chambre criminelle de la Cour de cassation, que l’officier indique le nom du parquet au titre duquel il agit (Cour de cassation, chambre criminelle, 9 janvier 2007, n° de pourvoi 06-87698).
Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’officier de police judiciaire est susceptible d’intervenir sans aucun mandatement (article 60-1 du code de procédure pénale).
- La présence d’un représentant de l’Ordre des médecins lors des opérations de saisie
La Haute autorité de santé (HAS) indique, dans ses recommandations de juin 2003, que « l’article 56-3 du Code de procédure pénale dispose que les perquisitions dans le cabinet d'un médecin "sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'Ordre auquel appartient l'intéressé, ou de son représentant". La condition de présence d'un représentant de l'Ordre des médecins est essentielle. Elle traduit l'obligation imposée au juge par l'article 56 du Code de la procédure pénale de prendre "toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel". Le rôle du représentant de l'Ordre est précisément de vérifier que la perquisition et la saisie ne portent pas atteinte au secret professionnel pour les dossiers qui ne sont pas concernés par la procédure, mais il ne peut participer à la perquisition ni prendre connaissance des pièces saisies » (HAS, Dossier du patient : amélioration de la qualité de la tenue et du contenu, réglementation et recommandations, juin 2003, p. 35).
- La mise sous scellés des éléments saisis
La Haute autorité de santé (HAS) indique, dans ses recommandations de juin 2003, que « le dossier est placé sous « scellés fermés » dans une enveloppe close pour que seul l’expert nommé à cet effet puisse prendre connaissance du contenu ».
« Tous les objets, documents ou données informatiques placés sous-main de justice sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, l’officier de police judiciaire procède comme il est dit au quatrième alinéa de l’article 56 [c’est-à-dire qu’ils sont mis sous scellés fermés provisoires jusqu’au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition] » (article 97 du code de procédure pénale).
- La saisie des pièces originales et la conservation de copies des éléments saisis
La Haute autorité de santé constate qu’« un dossier saisi dans le cadre d’une procédure pénale devient une pièce judiciaire et n’est pas toujours retourné à l’établissement même tardivement lorsque l’affaire est jugée ». Elle recommande de « prévoir d’en établir une copie qui sera conservée dans l’établissement en sachant que certains magistrats s’y opposent parfois. C’est la continuité des soins et la traçabilité des informations concernant le patient qui doivent être avancées pour obtenir de conserver une copie des pièces qui sont saisies. En cas de refus du magistrat, il faut en établir le constat par écrit et le conserver en lieu et place du dossier ».
L’article 97, alinéa 4, du code de procédure pénale permet, lorsque les nécessités de l’instruction ne s’y opposent pas, de faire une copie ou une photocopie des documents placés sous-main de justice. Aux termes de cette disposition, « si une copie est réalisée dans le cadre de cette procédure, il peut être procédé, sur ordre du juge d’instruction, à l’effacement définitif, sur le support physique qui n’a pas été placé sous-main de justice, des données informatiques dont la détention ou l’usage est illégal ou dangereux pour la sécurité des personnes ou des biens ».
B. La saisie d’autres documents relatifs aux personnes accompagnées
Application des règles de saisie à tous documents intéressant l’enquête ou l’instruction. Les documents visés par ces règles de communication sont, dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, « des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives » et, dans le cadre d’une instruction, « des documents intéressant l'instruction, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives ». La formulation large permet d’envisager une application à différents supports tels les dossiers médicaux ou tous autres supports. La saisie peut également viser d’éventuelles notes personnelles qui ne figurent pas dans les dossiers individuels.
Exception du motif légitime mais absence d’accord requis. Si un motif légitime peut être invoqué pour refuser la saisie de documents individuels, l’accord n’est requis que lorsque la réquisition concerne un médecin.