3.6. La communication d’informations dans le cas d’une personne vivant dans un logement dégradé

I. Définitions

A. L’habitat indigne

« Constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé » (article 1-1 de la loi du 31 mai 1990).

L’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) rappelle que « l’habitat indigne ne recouvre pas les logements non "décents" au sens du décret du 30 janvier 2002, qui relèvent des relations contractuelles entre bailleur et locataire » (cf. IV de la présente fiche).

« Les autorités administratives ont l’obligation d’intervenir pour faire cesser les situations d’habitat indigne dont elles ont connaissance.

La procédure à mettre en œuvre et l’autorité compétente dépendent de la nature des désordres affectant le logement.

Il existe des outils pour agir de manière incitative ou coercitive.

Les actions coercitives sont fonction du degré d’urgence, selon qu’il existe un risque immédiat (extrême urgence), imminent ou à traiter sur un terme plus long. Elles s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre des « polices » de l’habitat indigne :

- le maire a un pouvoir de « police générale » lui permettant de prendre toute mesure nécessaire pour la santé ou la sécurité des personnes sur le territoire de sa commune ;

- le maire/le président d’Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et le préfet ont à leur service un ensemble de "polices spéciales" [depuis le 1er janvier 2021, une procédure unique] permettant de traiter l’habitat indigne en prescrivant par arrêté des obligations de travaux et/ou d’hébergement ou de relogement aux propriétaires ou responsables de situations d’habitat indigne. Ces injonctions sont assorties d’un délai d’exécution et de la faculté, en cas de non-exécution par les responsables, de prévoir une astreinte » (Agence nationale pour l’information sur le logement, site Internet de l’ANIL, dossier relatif à l’habitat indigne).

B. L’insalubrité

Définition. « Tout local, installation, bien immeuble ou groupe de locaux, d'installations ou de biens immeubles, vacant ou non, qui constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, exploité ou utilisé, un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes est insalubre.

La présence de revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils et aux conditions mentionnés à l'article L. 1334-2 rend un local insalubre.

Les décrets pris en application de l'article L. 1311-1 et, le cas échéant, les arrêtés pris en application de l'article L. 1311-2 précisent la définition des situations d'insalubrité » (article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 16 septembre 2020).

Autorité compétente pour exercer les pouvoirs de police dans la situation d’insalubrité : le préfet du département. « L'autorité compétente pour exercer les pouvoirs de police est : […] 2° Le représentant de l'Etat dans le département dans le cas mentionné au 4° du même article [insalubrité] » (article L. 511-4 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 16 septembre 2020).

C. L’absence de garantie de solidité d’un immeuble (« menaçant ruine »)

Définition. Il s’agit des situations pour lesquelles il existe « des risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers » (article L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 16 septembre 2020).

Distinction avec l’insalubrité. La procédure de péril s'applique à la solidité du bâti et non à son état dont les désordres sont traités par la procédure d'insalubrité.

Autorité compétente pour exercer les pouvoirs de police dans ces situations : le maire. « L'autorité compétente pour exercer les pouvoirs de police est : 1° Le maire dans les cas mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 511-2 [le 1° visant « les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers »], sous réserve s'agissant du 3° de la compétence du représentant de l'Etat en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement prévue à l'article L. 512-20 du code de l'environnement » (article L. 511-4 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 16 septembre 2020).

D. Le logement « indécent »

Critère d’un logement « décent ». La décence d’un logement est appréciée objectivement au regard de caractéristiques détaillées dans le décret du 30 janvier 2002 (voir les articles 2 à 4). Lorsque le logement ne vérifie pas celles-ci, il est réputé indécent.

« Le logement qui fait l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité […] ne peut être considéré comme un logement décent » (article 5 du décret du 30 janvier 2002, dans sa rédaction modifiée par le décret du 24 décembre 2020).

Exemples de caractéristiques d’un logement indécent :

   Absence de conformité des réseaux et branchements d’électricité et de gaz, des équipements de chauffage et de production d’eau chaude ;

   Absence d’installation sanitaire intérieure au logement comprenant un WC séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, un équipement pour la toilette corporelle comportant une baignoire ou une douche aménagée de manière à garantir l’intimité personnelle alimentée en eau chaude et froide…

II. La police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations

Echéance de la mise en œuvre de la réforme. Le 1er janvier 2021 (article 19 de l’ordonnance du 19 septembre 2020). La réforme s’applique aux « arrêtés notifiés à compter de cette date ».

Une réforme opérée par l’ordonnance du 16 septembre 2020 visant à rassembler les polices préexistantes en une police unique. La réforme a eu pour objet de « rassembler tous les faits générateurs des […] procédures de police administrative de lutte contre l'habitat indigne […] au sein d'une nouvelle police de la sécurité et de la salubrité des immeubles bâtis » (rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 16 septembre 2020).


Polices existantes jusqu’au 31 décembre 2020 : 

  • Police de l’insalubrité : Articles L. 1331-22 et suivants du code de la santé publique
  • Police du péril (logement menaçant ruine) : Articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation
  • Police de lutte contre le saturnisme (lutte contre la présence de plomb et d’amiante) : Articles L. 1334-1 et suivants du code de la santé publique
  • Police de la sécurité des habitants d'immeubles collectifs à usage d'habitation : Articles L. 129-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation

Police créée à compter du 1er janvier 2021 : 

  • Police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations : Articles L. 511-1 à L. 511-22 du code de la construction et de l’habitation

Jusqu’à la réforme du 16 septembre 2020. Les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi d’habilitation (loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018) ont relaté qu’il existait jusqu’alors « treize régimes de police spéciale de lutte contre l’habitat indigne, dont cinq régimes d’urgence. Huit régimes [étaient] prévus dans le code de la santé publique et cinq dans le code de la construction et de l’habitation. Selon le régime de police concerné, la procédure vari[ait] sur de nombreux aspects : délais, modalités de mise en œuvre du principe du contradictoire, avis et consultations préalables, décision de réaliser les mesures et travaux d’office, etc. » (Assemblée nationale, Rapport n° 971, 19 mai 2018).

III. La communication d’informations au maire ou au préfet de département

Texte de référence. « Toute personne ayant connaissance de faits révélant l'une des situations mentionnées à l'article L. 511-2 signale ces faits à l'autorité compétente, qui met en œuvre, le cas échéant, les pouvoirs définis par le présent chapitre » (article L. 511-6 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 16 septembre 2020).

Extension de l’obligation de signalement à l’ensemble des situations relevant de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles. Jusqu’à la réforme du 16 septembre 2020, l’obligation de signalement n’était énoncée que dans le cas d’un immeuble menaçant ruine. L’article L. 511-1 du code de la construction et de l’habitation énonçait, dans sa rédaction antérieure à cette ordonnance, que « toute personne ayant connaissance de faits révélant l’insécurité d’un immeuble est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure [prévue par le code la construction et de l’habitation] » (article L. 511-1 du code de la construction et de l’habitation).

Depuis le 1er janvier 2021, cette obligation de signalement est étendue à l’ensemble des situations constatées qui appelle une intervention du maire ou du préfet de département au titre de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, qu’il s’agisse d’une situation de péril (solidité), d’une insalubrité, etc.

Personnes soumises à l’obligation de signalement. L’article L. 511-6 du code de la construction et de l’habitation reprend le terme de « toute personne ». Elle renvoie, comme auparavant, par exemple, selon les indications figurant sur le site service-public.fr, « à un occupant, un voisin, un passant… ».

S’agissant des professionnels soumis à un devoir de secret qui constatent notamment une situation qui pourrait relever de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, le texte n’énonce pas expressément une dérogation à cette obligation de secret.

Une telle dérogation, prévue dans d’autres situations, par exemple pour permettre un signalement d’un sévice ou d’une privation, est généralement formulée de la façon suivante : « par dérogation à l’article 226-13 du code pénal… ».

Il appartiendrait au juge compétent, saisi à ce sujet, de se prononcer sur l’application ou non de cette obligation.

La mention d’une telle obligation de signalement est, au contraire, expressément énoncée s’agissant des syndics de copropriété et des agents immobiliers.

« En vertu de la loi [n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite « ELAN »], les syndics de copropriété et les agents immobiliers ont l'obligation de signaler au procureur de la République les potentielles situations d'habitat indigne » (circulaire du 8 février 2019).

Texte de référence applicable aux syndics de copropriété. « Le syndic signale au procureur de la République les faits qui sont susceptibles de constituer une des infractions prévues aux articles 225-14 du code pénal [sanction à l’encontre de celui qui soumet une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, à des conditions […] d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine] et L. 511-22 [notamment le refus d’exécution des travaux et mesures prescrits au titre de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations] du code de la construction et de l’habitation.

Ce signalement est effectué sans préjudice, le cas échéant, de la déclaration prévue à l'article L. 561-15 du code monétaire et financier [obligation de déclaration et d’information dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme].

Ces dispositions ne sont pas applicables aux syndics mentionnés à l'article 17-2 de la présente loi [syndics non professionnels, bénévoles ou coopératif] » (article 18-1-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, créé par la loi du 23 novembre 2018 et modifié par l’ordonnance du 16 septembre 2020).

Texte de référence applicable aux agents immobiliers. « Les personnes exerçant les activités désignées aux 1°, 6° et 9° de l'article 1er de la présente loi [personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à l'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; la gestion immobilière ; l’exercice des fonctions de syndic de copropriété] signalent au procureur de la République les faits qui sont susceptibles de constituer une des infractions prévues aux articles 225-14 du code pénal et L. 511-22 du code de la construction et de l'habitation.

Ce signalement est effectué sans préjudice, le cas échéant, de la déclaration prévue à l'article L. 561-15 du code monétaire et financier » (article 8-2-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, créé par la loi du 23 novembre 2018 et modifié par l’ordonnance du 16 septembre 2020).

Modalités du signalement. Les textes ne comportent pas d’exigence au sujet de la forme du signalement effectué auprès du maire ou du préfet de département. « Ces faits doivent être signalés par tous moyens (appel téléphonique, courrier...) » (service-public.fr).

IV. Gestion d’une situation de logement « indécent »

Obligations légales du bailleur. « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations » (article 1719 du code civil).

« Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives » (article 1720 du code civil, voir également l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, modifié par la loi du 8 novembre 2019).

Action envisageable dans le cas où la personne âgée ou en situation de handicap est locataire.

Action accomplie par le locataire ou, le cas échéant, son représentant légal. La décence d'un logement ne concerne que le locataire et le propriétaire d'un logement, liés l'un à l'autre par le contrat de location. Les propriétaires occupants leur logement ne sont donc pas concernés.

Information du locataire au sujet des voies de conciliation et de recours en cas de litige avec le bailleur. « Une notice d'information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu'aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes pour régler leurs litiges est annexée au contrat de location. Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice [arrêté du 29 mai 2015 relatif au contenu de la notice d'information annexée aux contrats de location de logement à usage de résidence principale] » (article 3 de la loi du 6 juillet 1989).

- Démarche amiable. Dans l’hypothèse où le professionnel concourant à l’accompagnement de la personne relève le non-respect d’un ou plusieurs de ces critères, il peut conseiller à la personne ou, le cas échéant, à celui qui la représente, de prendre contact avec le propriétaire du bien immobilier. Ce contact peut être pris de façon informelle puis, dans le cas où il s’avère infructueux, le locataire pourra adresser au propriétaire une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception.

« Lorsqu’il existe un litige, il est conseillé d’adresser un courrier recommandé avec accusé de réception à l’autre partie relatant les faits le plus précisément possible, accompagné des arguments et preuves relatifs aux faits litigieux (références juridiques, factures, photos, etc.).

Ce courrier est une première étape préalable importante pour engager ensuite un recours éventuel devant le juge » (notice d’information annexée à l’arrêté du 29 mai 2015).

Si la démarche s’avère infructueuse, il peut être utile de saisir la commission départementale de conciliation avant un recours contentieux (décret n° 2001-653 du 19 juillet 2001). Sa saisine demeure facultative dans le cas d’un litige portant sur la décence du logement (cf. notice d’information annexée à l’arrêté du 29 mai 2015).

La saisine de la commission doit être formulée en double exemplaire et adressée par lettre recommandée avec avis de réception au secrétariat de la commission. La saisine doit indiquer les nom, qualité et adresse du demandeur, ceux du défendeur ainsi que l’objet du litige ou de la difficulté. Dans tous les cas, la lettre de saisine doit être accompagnée de la copie des pièces en lien avec le litige. Le bailleur et le locataire en conflit sont convoqués, en personne, par lettre à une séance de conciliation au minimum quinze jours avant la séance.

- Recours judiciaire. Dans l’hypothèse où le bailleur ne souhaite pas mettre en conformité le logement qu’il loue, la personne ou, le cas échéant, son représentant légal, peut saisir le tribunal judiciaire.

« Si le litige porte sur les caractéristiques du logement pour en faire un logement décent, ce mandat peut être donné à une des associations [représentative de locataires] ou à une association compétente en matière d’insertion ou de logement des personnes défavorisées, à une collectivité territoriale compétente en matière d’habitat ou à un organisme payeur des aides au logement (caisse d’allocations familiales ou Mutualité sociale agricole) » (cf. notice d’information annexée à l’arrêté du 29 mai 2015).

Le juge qui constate que le logement ne satisfait pas aux normes de décence peut contraindre le bailleur à accomplir les travaux nécessaires. Il peut également imposer une réduction de loyer et fixer des dommages-et-intérêts.

Exemption de préavis. Le locataire qui vit dans un logement indécent peut quitter les lieux sans préavis. Toutefois, il doit au préalable avoir averti son propriétaire des désordres constatés et avoir engagé les démarches pour le contraindre à réaliser les travaux relevant de sa responsabilité.