I. Conditions à vérifier
Consentement requis
L’accès au lieu de vie de la personne âgée ou en situation de handicap ne peut avoir lieu que sous réserve de l’accord de la personne dont il s’agit du domicile, que celle-ci soit ou non présente.
« L'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » (article 226-4 du code pénal alinéa 1er du code pénal).
Notion de « domicile »
Selon la Chambre criminelle de la Cour de cassation, « seul constitue un domicile, au sens de l'article 226-4 du code pénal, le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux, ce texte n'ayant pas pour objet de garantir d'une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation » (cass. crim. 22 janvier 1997, pourvoi n° 9581186).
Le droit à la vie privée, constitutionnellement garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, fait obstacle à l’accès au lieu d’habitation de la personne âgée ou en situation de handicap lorsque celui-ci n’est pas consenti. Le droit à la propriété n’est ici pas en cause. Le propriétaire qui loue l’immeuble d’habitation n’a pas à être informé de cet accès.
Formalisation du consentement
L’accord de la ou des personnes dont il s’agit du domicile n’est pas soumis à des exigences spécifiques de forme. Il semble opportun que ce consentement soit transcrit par le professionnel qui le recueille dans le dossier individuel de la personne âgée ou en situation de handicap.
Cas d’une opposition d’un membre de l’entourage hébergeant la personne âgée ou en situation de handicap
Lorsque le lieu de vie de la personne est aussi celui d’un membre de son entourage, l’accès semble nécessiter l’accord conjoint de ce dernier. Le refus de cet accès pourrait être considéré par l’autorité judiciaire comme animé d’un motif non légitime, autre que la volonté de préserver sa propre vie privée. Lorsque ce refus d’accès constitue une manœuvre manifeste ayant pour effet de priver la personne qui n’est pas en état de se protéger compte tenu de son âge et/ou de son handicap physique ou psychique de l’assistance qu’elle nécessite, un signalement notamment au procureur de la République semble pouvoir être envisagé, en référence à l’article 226-14 1° du code pénal.
Accès au domicile sans accord de la personne dans l’hypothèse d’un « péril grave et imminent »
Les services du ministère de l’Intérieur ont apporté des indications au sujet de l’accès au domicile d’une personne atteinte de troubles psychiatriques et dans lequel il faudrait pénétrer de force pour maîtriser le sujet : « en l'absence d'habilitation spéciale de l'autorité administrative ou de procédure judiciaire prévues par la loi, cette mesure de police administrative [arrêté provisoire du maire initiant une mesure de soins psychiatriques sans consentement] ne peut être exécutée de force qu'en cas de « péril grave et imminent », conformément aux règles posées par la jurisprudence sur l'exécution d'office des décisions administratives » (Ministère de l’Intérieur, Journal officiel du 13 mars 2007, p. 2704).
II. La remise et l’usage des clés du domicile
A. Consentement de la personne ou de son représentant légal
Remise des clés par la personne pour permettre à un professionnel de pénétrer dans son domicile
Dès lors que cette remise est consentie par la personne ou, le cas échéant, par son représentant légal, l’accès au domicile semble envisageable. Lorsque la personne a désigné une personne de confiance, il ne relève pas des attributions de cette dernière de se substituer à la personne pour consentir ou refuser la remise des clés.
L’accord peut également porter sur la mise à disposition des clés dans un boitier verrouillé à l’aide notamment d’un digicode.
Formalisation de l’accord lors de la remise des clés
Le consentement de la personne ou, le cas échéant, de son représentant légal peut être formalisé au travers d’un document signé prenant la forme d’une procuration (ou mandat), conformément aux dispositions du code civil qui régit celle-ci (articles 1984 à 2010 du code civil). L’objet précis de cette remise de clé requiert d’être mentionné dans ce mandat. L’accord peut être donné aux professionnels intervenant au titre d’une personne morale.
Un tel document a pour seul objet de formaliser l’accord à la remise des clés et ne peut être appréhendé comme une « décharge » de responsabilité en cas de perte ou de vol de ces clés par son détenteur.
La restitution des clés correspond à la fin de l’exécution du mandat/de la procuration
« Le mandat finit :
- Par la révocation du mandataire,
- Par la renonciation de celui-ci au mandat,
- Par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture [insolvabilité], soit du mandant, soit du mandataire » (article 2003 du code civil).
Formalisation de la renonciation par le mandataire
« Le mandataire peut renoncer au mandat, en notifiant au mandant sa renonciation » (article 2007 du code civil).
B. Remise des clés dans le cas du décès de la personne
Remise des clés aux héritiers ou, le cas échéant, au notaire en charge de la succession
Le domicile est accessible aux héritiers, tels qu’ils sont identifiés dans le cadre de la succession. Le notaire en charge des démarches nécessaires à la succession peut être désigné par la personne de son vivant ou, à défaut, par le ou les héritiers.
Personne protégée
« En cas de décès d'un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ce dernier peut, en l'absence d'héritiers connus, saisir le notaire du défunt en vue du règlement de la succession ou, à défaut, demander au président de la chambre départementale des notaires d'en désigner un.
Si le notaire chargé du règlement de la succession ne parvient pas à identifier les héritiers du majeur protégé, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, autorisé à cet effet par le juge des tutelles, ou le notaire, dans les conditions de l'article 36 de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, peut délivrer un mandat de recherche des héritiers » (article 1215 du code de procédure civile).
Clôture du domicile de la personne décédée au titre des mesures conservatoires
Parmi les mesures conservatoires prises après l’ouverture d’une succession, le code de procédure civile prévoit que « lorsqu'il apparaît que la consistance des biens ne justifie pas une apposition des scellés, le greffier en chef compétent pour celle-ci dresse un état descriptif du mobilier ; à défaut d'héritier présent, il assure la clôture des lieux si ceux-ci sont inoccupés et dépose les clés au greffe du tribunal [d’instance, dénommé tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020] » (article 1323 du CDPC).
L’apposition des scellés peut être demandé par les personne visées à l’article 1304 du code de procédure civile, c’est-à-dire « par le conjoint ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité, par tous ceux qui prétendent avoir une vocation successorale, par l'exécuteur testamentaire ou le mandataire désigné pour l'administration de la succession , par le ministère public, par le propriétaire des lieux, par tout créancier muni d'un titre exécutoire ou d'une permission du juge, en cas d'absence du conjoint ou des héritiers, ou s'il y a parmi les héritiers des mineurs non pourvus d'un représentant légal, par les personnes qui demeuraient avec le défunt, par le maire, le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie ».