2.2. Le mandat de protection future

Objet du mandat de protection future.


C’est un contrat visant à permettre aux personnes d’organiser à l’avance leur propre protection (ou celle d’un enfant souffrant d’une maladie ou d’un handicap). A cette fin, elles peuvent choisir la ou les personnes qui seront chargées de s’occuper d’elles ou de leurs affaires le jour où elles ne pourront plus le faire elles-mêmes. Il s’agit d’éviter ainsi le recours à une mesure judiciaire de tutelle ou de curatelle.

Cette possibilité a été introduite par la loi du 5 mars 2007. Jusqu’alors, les particuliers qui craignaient de devenir incapables de gérer leurs affaires ou une partie d’entre elles recouraient à des procurations, parfois contradictoires entre elles, auprès des banques, de la poste, des organismes sociaux, etc. Ces procurations ne conféraient pas une réelle garantie pour leur auteur car les bénéficiaires de procurations n’étaient pas toujours rapidement informés ou en mesure de produire la preuve de celles-ci. Ces procurations pouvaient aisément faire l’objet de contestations par les proches auprès du juge des tutelles. Ce dernier pouvait remettre en cause ces procurations par le prononcé d’une sauvegarde de justice ou mettre fin à ce mandat par l’ouverture d’une tutelle.

I. La conclusion d’un mandat de protection future

Personnes pouvant conclure un tel mandat. « Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation familiale […] » (article 477 du code civil).

« La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu'avec l'assistance de son curateur » (article 477 du code civil).

Personne(s) pouvant être désignée(s) comme mandataire. « Le mandataire peut être toute personne physique choisie par le mandant ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs » (article 480 du code civil).

La personne âgée ou en situation de handicap peut confier la protection de sa personne et de son patrimoine à un même mandataire ou préférer confier chacune de ces protections à des mandataires distincts. Il lui est également possible de confier à plusieurs mandataires chacune de ces protections.

Formes du mandat. Le mandat de protection future peut prendre la forme d'un acte notarié ou sous seing-privé.

- Dans le cas d’un mandat notarié (acte authentique), prévu aux articles 489 à 491 du code civil, le mandataire peut, une fois que le mandat est activé, exécuter tous les actes de disposition à titre onéreux sans l’intervention du juge des tutelles. Seuls les actes à titre gratuit (donations) restent soumis à l’autorisation de ce juge (article 490 du code civil).

- Dans le cas d’un mandat sous seing privé, prévu aux articles 492 à 494 du code civil, la gestion des biens se limite aux actes les moins importants, c’est à dire les actes conservatoires d'administration. En revanche, tout acte de disposition nécessite l'autorisation du juge des tutelles.

Coût du mandat. La conclusion d’un mandat de protection future induit des frais. Ces frais correspondent à l’établissement du mandat et à son enregistrement.

Le tableau ci-après synthétise les frais occasionnés par l’établissement, la mise en œuvre et l’exécution du mandant.
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Rôle du professionnel assurant l’accompagnement de la personne, quelle que soit sa qualité. Le professionnel concourant à l’accompagnement de la personne n’a pas pour fonction de participer aux démarches conduisant à la conclusion d’un tel mandat. Celles-ci demeurent une initiative personnelle de la personne.

Il peut tout au plus informer la personne de la possibilité dont elle dispose.

Si la personne souhaite être davantage informée, il peut lui suggérer :

   De récupérer le document CERFA n° 13592*04 et sa notice (réf. n° 51226#05), téléchargeable sur le site Internet service-public.fr ;

   De prendre contact, le cas échéant, avec un notaire ou un avocat.

II. La prise en compte des effets d’un mandat de protection future

Conditions d’activation du mandat de protection future. Il appartient au mandataire de mettre en œuvre le mandat quand la personne âgée ou en situation de handicap (le mandant) n’est plus en mesure de prendre soin de sa personne ou de s’occuper de ses affaires. A cette fin, le mandataire doit se présenter « en personne » au greffe du tribunal judiciaire dans le ressort duquel réside le mandant, « accompagné de ce dernier, sauf s’il est établi, par certificat médical, que sa présence au tribunal est incompatible avec son état de santé » (article 1258 du code de procédure civile).

Si l'ensemble des conditions requises est rempli, le greffier, après avoir paraphé chaque page du mandat, mentionne, en fin d'acte, que celui-ci prend effet à compter de la date de sa présentation au greffe, y appose son visa et le restitue au mandataire, accompagné des pièces produites » (article 1258-3 alinéa 1er du code de procédure civile).

Le mandat produit alors ses effets. Il fonctionne comme une procuration. Le mandataire représente le mandant et veille à ses intérêts. En pratique, il présente le mandat à chaque fois qu’il agit au nom du mandant (article 1258-3 du code de procédure civile).

Publication du mandat. Le mandat de protection future est publié sur un registre spécial. Cette exigence a été introduite par la loi du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

« Le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l’accès sont réglés par décret en Conseil d’Etat » (article 477-1 du code civil). Cette publicité est utile pour les juges des tutelles qui ont besoin d’avoir l’assurance de l’absence de mandat avant de décider une mesure de protection.

Effets que peut produire le mandat

Maintien de la possibilité pour la personne âgée ou en situation de handicap d’exercer ses droits dans le cas où le mandat est activé. « Le mandat ne vous fait perdre ni vos droits ni votre capacité juridique, mais permet à votre mandataire d’agir à votre place et en votre nom dans votre intérêt » (notice d’information du mandat de protection future sous seing privé, p. 2).

S’agissant des décisions concernant la santé du mandant. Il convient d’identifier les fonctions attribuées par la prise de connaissance du contenu du mandat. Celui-ci peut prévoir que le mandataire « exercera les missions que le code de la santé publique et le code de l'action sociale et des familles confient au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance » (article 479 du code civil).
En matière de protection du patrimoine. Le mandataire ne peut exercer que la mission que le mandant lui a confiée et dans la limite des pouvoirs reconnus par la loi et, notamment, figurant dans le code civil.

Quelle que soit la forme du mandat choisie, dans l’hypothèse où le mandataire est chargé de l’administration des biens du mandant, « [il] fait procéder à leur inventaire lors de l'ouverture de la mesure. Il assure son actualisation au cours du mandat afin de maintenir à jour l'état du patrimoine » (article 486 du code civil).

Si le mandant souhaite que le mandataire ait des pouvoirs étendus, c’est-à-dire qu’il puisse, par exemple, vendre les biens du mandant à un tiers, il faut que le mandat de protection future soit établi par un notaire.

Si le mandant donne un pouvoir d’administration sur l’ensemble du patrimoine, cela signifie qu’il confie au mandataire le pouvoir d’administrer tous ses biens. Si le mandant donne à son mandataire des pouvoirs d’administration limités à certains biens ou à certains actes sur ses biens, il faut qu’il précise dans l’acte quels sont ces biens et ces actes. Le mandant peut également confier à son mandataire le soin de veiller sur son animal domestique. Dans ce cas, il doit le préciser dans sa mission.

Contrôle de l’exécution des missions du mandataire.

« [le mandataire chargé de l’administration des biens du mandant] établit annuellement le compte de sa gestion qui est vérifié selon les modalités définies par le mandat et que le juge peut en tout état de cause faire vérifier selon les modalités prévues à l'article 512 [du code civil] » (article 486 alinéa 2 du code civil).

 

- Dans l’hypothèse d’un mandat conclu devant notaire, c’est ce dernier qui est chargé du contrôle de la gestion du patrimoine du mandant (article 491 du code civil).

- Dans l’hypothèse d’un mandat sous seing privé, le mandant désigne dans le mandat, une personne qui contrôlera son action.

Le mandataire doit alors conserver l’inventaire des biens et ses actualisations et peut faire l’objet d’une vérification par le juge des tutelles ou le procureur de la République au titre de leur mission de surveillance générale des mesures de protection : « Pour l'application du dernier alinéa de l’article 486 [vérification du compte annuel de gestion], le mandataire conserve l'inventaire des biens et ses actualisations, les cinq derniers comptes de gestion, les pièces justificatives ainsi que celles nécessaires à la continuation de celle-ci.

Il est tenu de les présenter au juge des tutelles ou au procureur de la République dans les conditions prévues à l’article 416 [pouvoir de surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort leur permettant, entre autres, de convoquer la personne chargée de la protection et d’obtenir toute information qu’ils requièrent] » (article 494 du code civil).

Difficultés dans la gestion du mandat. « Tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en œuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution » (article 484 du code civil). Ainsi, en cas de difficulté d’exécution du mandat, toute personne, y compris le mandant, peut saisir le juge des tutelles. Celui-ci pourra prendre toutes les mesures qui s’imposent pour préserver les intérêts du mandant. Il a le pouvoir de contrôler, mais également de compléter, de révoquer le mandat s’il l’estime insuffisant ou contraire aux intérêts du mandant. A l’inverse, le mandataire peut saisir le juge des tutelles pour qu’il ordonne un acte de disposition ou non prévu par le mandat nécessaire à l’intérêt du mandant.

III. La contestation de la mise en œuvre d’un mandat de protection future

« Tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en œuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution » (article 484 du code civil).

IV. La révocation d’un mandat de protection future

Les motifs qui justifient la fin d’un mandat mis à exécution. « Le mandat mis à exécution prend fin par :

1° Le rétablissement des facultés personnelles de l'intéressé constaté à la demande du mandant ou du mandataire, dans les formes prévues à l'article 481 ;

2° Le décès de la personne protégée ou son placement en curatelle ou en tutelle, sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure ;

3° Le décès du mandataire, son placement sous une mesure de protection ou sa déconfiture ;

4° Sa révocation prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé, lorsqu'il s'avère que les conditions prévues par l'article 425 ne sont pas réunies, ou lorsque l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant.

Le juge peut également suspendre les effets du mandat pour le temps d'une mesure de sauvegarde de justice » (article 483 du code civil).

Révocation compte tenu d’une atteinte aux intérêts du mandant. La Cour de cassation a jugé qu’« il résulte des articles 483, 4°, et 485, alinéa 1, du code civil que la révocation du mandat de protection future peut être prononcée lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant, le juge des tutelles pouvant alors décider de l’ouverture d’une mesure de protection juridique.

Justifie légalement sa décision une cour d’appel qui, estimant souverainement que les intérêts patrimoniaux du mandant ne sont pas suffisamment préservés par le mandat de protection future, décide de le révoquer et ouvre une mesure de protection » (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 17 avril 2019).

Possibilité pour le juge des tutelles d’ouvrir une mesure de protection juridique. « Le juge qui met fin au mandat peut ouvrir une mesure de protection juridique dans les conditions et selon les modalités prévues aux sections 1 à 4 du présent chapitre [sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle] » (article 485 alinéa 1er du code civil).